Plus d’Europe
L’Europe a bien sûr des défauts. Sa technocratie peut être critiquée. La complexité du fonctionnement de ses institutions peut donner le sentiment à certains citoyens qu’elle reste loin de leurs préoccupations. D’aucuns vont l’estimer trop libérale. D’autres pas assez en pointe sur l’urgence environnementale. Ou trop faible sur la scène diplomatique. Des reproches dont on peut débattre et qui ont en partie été débattus pendant cette campagne électorale. Pour autant, comment se résoudre sans appeler au sursaut à voir le projet européen menacé comme jamais par les extrêmes droites qui, en France comme chez bon nombre de membres de l’UE, menacent de sortir vainqueurs ou renforcées des scrutins organisés jusqu’à ce week-end ? Car oui, au-delà des sondages alarmants, l’Europe, déjà gangrenée (en Italie, en Hongrie), est sous la menace d’une forte poussée national-populiste, petite cousine de celles qui ont fait vaciller d’autres démocraties à travers la planète. On pense bien sûr aux Etats-Unis, où le cryptofascisme de Trump menace de revenir aux affaires, ou au Brésil de Jair Bolsonaro. En France, ce nationalisme rance et mortifère, d’une pauvreté programmatique confondante, porteur d’aucune solution crédible, caracole en tête dans les enquêtes d’opinion en flirtant avec les 40 %, si l’on additionne les listes RN et Reconquête. C’est d’autant plus dramatique que les multiples crises qui pèsent sur la bonne marche du monde réclament plus d’Europe. Plus d’Europe pour dire aux Ukrainiens que leur soif de liberté ne se marchande pas. Plus d’Europe pour leur donner plus de moyens pour contraindre Poutine à renoncer à sa folie guerrière. Plus d’Europe pour contrer l’expansionnisme chinois. Plus d’Europe pour fabriquer nos propres vaccins. Pour lutter à la bonne échelle contre le réchauffement climatique. Les défis ne manquent pas. Mais comment voir ce repli national et xénophobe comme une solution ? La première arme pour éviter le pire est une mobilisation massive de tous ceux qui continuent de croire, malgré ses failles encore une fois, aux vertus de la construction européenne. De cette forte mobilisation dépendra aussi, à gauche, le nouveau rapport de force hexagonal qui sortira des urnes, entre les insoumis et les listes PS-Place publique ou écologiste. Raphaël Glucksmann et Marie Toussaint ont eux assumé ouvertement leur position pro-européenne. Manon Aubry mais surtout Jean-Luc Mélenchon ont mis les atrocités de la guerre à Gaza au coeur de leur campagne, sans craindre de minimiser la flambée d’actes antisémites en France.
Ils sont aussi restés sur leur créneau eurosceptique qui clive la gauche depuis trop longtemps.