Sauver Israël, malgré Benyamin Nétanyahou
Toutes les guerres sont dévastatrices. Celle entre Israël et le Hamas l’est particulièrement. Elle fait de trop nombreuses victimes civiles parmi les réfugiés palestiniens, des victimes qui s’ajoutent à celles du pogrom commis par le Hamas le 7 octobre 2023. En fin de semaine, Joe Biden, dont la campagne électorale est rendue compliquée par le conflit, a préféré proposer lui-même un plan de paix en trois étapes de six semaines chacune, qui prévoit si tous les engagements sont respectés une cessation permanente des hostilités, un retrait progressif des soldats israéliens, et, au bout du processus, une reconstruction de Gaza avec des capitaux américains. Pour avoir une chance d’aboutir, l’initiative du président américain devra réussir à contourner les forcenés des deux camps qui feront tout pour empêcher sa réussite. Le Premier ministre israélien, qui est devenu un expert de la fuite en avant, a poursuivi pendant toute sa carrière un objectif principal : jamais d’Etat palestinien. Pour durer à son poste, malgré ses échecs, il a appliqué une seule méthode : gagner du temps en pratiquant une sorte de guerre perpétuelle.
Ultimatum
Aujourd’hui, il la livre contre le Hamas, une organisation terroriste islamiste et anti-Organisation de libération de la Palestine (OLP), dont il a facilité l’installation à Gaza. Il y a peu, Nétanyahou voulait une guerre contre le Hezbollah, heureusement évitée par Biden. Parmi les forcenés qui participent à la coalition gouvernementale de Nétanyahou se trouvent les dirigeants des partis d’extrême droite, tous partisans d’un grand nettoyage ethnique et de la conquête de nouveaux espaces à coloniser. Les forcenés du côté du Hamas sont non seulement des terroristes islamiques mais aussi des partisans du nettoyage ethnique, mais inversé. Ils rêvent, entre le Jourdain et la mer, d’une «Palestine sans les juifs». Parmi les forcenés enfin, il y a l’Iran, à la fois l’armurier et le pousse-au-crime antisémite de la région.
D’où le scénario d’un plan d’origine israélienne mais mis en musique par le président américain. Dimanche, un conseiller du Premier ministre israélien a jeté un froid en déclarant que le texte présenté n’était «pas un bon accord» et qu’il y avait «beaucoup de détails à régler». Comprendre que la charge à court terme de forcer la main à Nétanyahou reviendra à Biden. Soit en provoquant la démission de l’extrême droite colonisatrice, ce qui provoquerait à terme de nouvelles élections, Nétanyahou de par la loi israélienne exécutant quand même les affaires courantes pendant trois mois. Soit en provoquant une autre démission, celle du général Gantz, son rival centriste, qui siège au conseil de guerre et dirige le Parti de l’union nationale, après avoir été le chef d’état-major de Tsahal pendant quatre ans. Celui-ci a fixé à Nétanyahou un ultimatum, à la date du samedi : s’il n’y a toujours pas de plan pour l’avenir de Gaza, le général Gantz serait prêt à démissionner.
Mais l’objectif de Biden avec ce plan ne s’arrête pas aux démissions espérées de l’extrême droite. Il s’agit avant tout de provoquer un grand mouvement d’opinion en Israël même, en faveur de la fin de la guerre, de la reprise de l’économie et de la libération des otages. Mais aussi de faire bouger l’opinion internationale, avec l’espoir que ce plan soit susceptible de neutraliser la campagne anti-israélienne qui a déferlé sur le monde, et spécialement sur les campus américains. Il faut dire que les bilans de Nétanyahou sont assez sombres. Sur le plan sécuritaire, il n’a pas su éviter le pogrom du 7 Octobre alors que la sécurité d’Israël était au coeur de son programme. Lorsque Golda Meir en 1973 avait été surprise par l’offensive arabe, elle avait dû démissionner.
Lignes rouges
Après 241 jours de «bombardements indiscriminés», Nétanyahou a certes rasé Gaza, tué beaucoup de Gazaouis (on évoque désormais près de 40 000 victimes), certes utilisés par le Hamas comme boucliers humains, mais les chefs du mouvement terroriste continuent de lui échapper. C’est là encore une défaillance flagrante du renseignement, les dirigeants du Hamas n’ayant sans doute pas été aussi surveillés qu’il aurait été nécessaire. Le Hamas est en tout cas loin d’avoir disparu, comme en témoigne le lancement de plusieurs missiles sur Tel-Aviv le 26 mai. Et on peut malheureusement supposer que le pilonnage de Gaza va motiver de nombreux Palestiniens, qui auront tout perdu, famille, emploi, maison, et qui seront en quête de vengeance…
Le bilan diplomatique du Premier ministre israélien est également catastrophique. Il est aujourd’hui en conflit avec la présidence américaine – son principal allié. Les lignes rouges fixées aux offensives militaires israéliennes par le Pentagone ont toutes été franchies, au mépris des impératifs électoraux de Joe Biden. Nétanyahou a enfin engagé une bataille diplomatique avec l’ONU et la Cour pénale internationale, qui a conduit aux mandats d’arrêt lancés par le procureur à l’encontre des dirigeants israéliens et ceux du Hamas, le tribunal de La Haye envoyant le message explicite, mais décidément inaudible par le chef du gouvernement israélien, que «personne n’est au-dessus des lois».
Les Israéliens sont divisés face à la proposition de Biden : selon la chaîne de télévision israélienne Kan 11, 40 % d’entre eux sont en faveur du plan, 27 % sont contre et 33 % ne se prononcent pas. Commentaire tranché d’Ami Avalon, l’ancien chef du Shin Beth, le renseignement intérieur israélien, sur le bilan de Nétanyahou : «Si on refuse la paix, ce qui nous attend sera pire que le 7 Octobre.» •