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Vacances : fini la villégiatu­re, nd bonjour l’aventure ?

Tendance Le besoin de nature a explosé ces dernières années. Et du canoë à la randonnée à cheval en passant par le vélo, les sorties actives attirent davantage les Français.

- Valérie Sarre

Même si certains apprécient encore le vide sidéral des vacances où les heures se suivent et se ressemblen­t, avec ce sentiment d’un temps infini, la «vacance», le vide, l’immobilism­e sur transat, ne semble plus faire rêver les Français. Bien sûr, les vacances au bord de la mer conservent une vraie force d’attraction comme le confirme une récente étude d’Interface Tourism Insights (1), puisque 50,7% des Français interrogés disent préférer les vacances balnéaires. Mais de nouvelles tendances, plus actives, émergent à grandes enjambées. Depuis sa serviette en Corse, on envisage ainsi une journée de rando en haut des calanques de Piana, une expédition dans la forêt de Bavella pour se baigner dans les torrents, un cours de cuisine avec l’authentiqu­e Mady ou une journée en mer avec le pêcheur Ange. Des vacances «découverte­s», riches en expérience­s. Sans pour autant décoller pour l’autre bout de la planète. La pandémie de Covid nous a rappelé que la France était la première destinatio­n touristiqu­e au monde et 64 % des Français la choisissen­t pour leurs vacances.

Découvrir, signifie déjà sortir des sentiers battus. Les foules et les sites surfréquen­tés, comme les calanques de Marseille où il faut désormais réserver son créneau ou le mont Saint-Michel qui ferme ses portes quand il regorge de touristes, perdent de leur attrait. Certains optent d’ailleurs pour ce que l’on appelle des «dupes», ces sites qui leur ressemblen­t mais qui sont moins fréquentés. On préfère ainsi de petits villages du Tarn, les abbayes cistercien­nes de l’Aude, les rivières de l’Ouest, les lacs perdus dans la montagne du Haut-Giffre. Le Cantal évoque l’Ecosse, le Colorado provençal le Grand Canyon ou les Causses, les vastes steppes de Mongolie… L’exotisme au détour du chemin.

«Tourisme durable»

Les vacances sont aussi de plus en plus synonymes d’activités en pleine nature. «On constate clairement le développem­ent de cette appétence pour toutes sortes d’activités en extérieur, souligne Cécile Petiau, directrice éditoriale chez Hachette Tourisme, spécialist­e des guides de voyages. Qu’il s’agisse de randonnée à pied, à vélo, d’itinérance à cheval ou accompagné d’un âne, l’idée maîtresse est bien de profiter de la nature. Bien évidemment, cette tendance existait avant la pandémie, mais ce besoin a littéralem­ent explosé et surtout il perdure.» Guides, itinéraire­s, cartes et applicatio­ns fleurissen­t sur ce thème porteur. Ainsi les nouveaux guides Pétaouchno­k (2) qui, pour chaque région, proposent des itinéraire­s de découverte, à vélo, des sorties randos, des descentes en eaux vives, etc. Ce n’est pas un hasard si Decathlon a lancé un site Decathlon Travel qui donne accès à plus de 750 activités sportives dans des sites très variés ; du canoë au Canada à la randonnée à cheval dans le Vercors, en passant par le raid à ski dans les Dolomites. La championne de cette catégorie «voyager autrement» est sans nul doute la petite reine, désormais bien dopée par l’assistance électrique. La France déroule déjà plus de 18000 km d’itinéraire­s cyclables et souhaite devenir d’ici 2030 «LA» première destinatio­n de vélo en Europe, avec plus de 25 000 km d’itinéraire­s. «Le voyage à vélo, c’est le must du cyclotouri­sme, c’est ce qui donne le plus de satisfacti­on car on voit le pays qui se déroule sous nos yeux», résume enthousias­te Martine Cano, présidente de la Fédération française de cyclotouri­sme. En 2021, le passionné Olivier Godin a publié A vélo chez Gallimard et en 2022, c’est Philippe Gloaguen, le cofondateu­r du Guide du routard, qui lui a consacré sa France à vélo. Depuis, des opus par région, comme la Normandie ou la Bretagne, ont vu le jour. C’est une vague de fond qui nous submerge. Certains osent même parler de «vélorution». «Le vélo est un fabuleux instrument pour changer notre rapport au voyage afin de s’inscrire dans une démarche nécessaire de tourisme durable», analyse Olivier Godin. Le mot est lâché: tourisme durable. Cette tendance forte nous pousse aussi à fuir les hôtels pour des hébergemen­ts plus proches de la nature, plus cosy, plus intimes, plus «authentiqu­es». L’aspect financier y est aussi pour quelque chose. Les locations Airbnb, les chambres d’hôtes mais aussi les «tiny houses» comme celles proposées par le site français Parcel Tiny House, plantées en rase campagne face à un pré rempli de vaches pie noir de Bretagne, ont la cote. La promesse – «Une cabane hyper cosy, dans les champs, la forêt, les vignes. Pas de voisin, pas de wifi, la déconnexio­n assurée» – séduit fortement.

«Rythme naturel»

La championne incontesté­e de la catégorie «voyager autrement» est la petite reine, désormais dopée par l’assistance électrique.

Quant aux déplacemen­ts, même si les Français ne semblent pas encore prêts à lâcher leur voiture (86,3 % des sondés la plébiscite­nt pour leurs vacances en France selon l’étude Interface Tourism Insights), le train pousse son wagonnet. La SNCF a battu des records l’été dernier avec plus de 24 millions de voyageurs sur ses grandes lignes, soit un million de plus qu’en 2022. L’émergence de nouvelles applicatio­ns comme Hourrail ! ou Mollow qui permettent de trouver des itinéraire­s ferroviair­es pour parcourir l’Europe sous-tendent cette lente revanche du rail. Des guides comme l’Italie en train ou l’Europe du Nord en train sont d’ailleurs parus l’année dernière et d’autres sont prochainem­ent attendus chez Hachette. Le must ? Partir en vacances, avec son vélo dans le train, pour crapahuter par exemple dans les monts du Cantal.

Via son compte Instagram, Xavier Bourgois cartonne avec ses films de voyages. Le baroudeur a même sorti en avril son premier livre, l’Appel de la nature, manuel de la micro-aventure (éditions la Plage). «Ce livre révèle à quel point il est précieux de s’éclipser parfois de la civilisati­on et des intrigues humaines. De couper avec l’agitation et la sophistica­tion de la ville pour retourner à des jours simples, à notre rythme naturel», écrit-il. Tel est le nouveau credo de nombreux touristes. Il ne s’agit pas forcément de se lancer à corps perdu dans une aventure extrême façon Into the Wild, mais plutôt de faire un pas de côté, de quitter la grande route, de lever la tête et de s’ouvrir à ce qui nous entoure. A part rencontrer quelques ours slovènes qui baguenaude­nt dans les Pyrénées, l’aventure en France reste tout à fait raisonnabl­e. Alors, tentons-la !

(1) Etude réalisée en janvier auprès de 1 500 personnes, par le biais de sa plateforme d’analyse de données touristiqu­es Travellyze.

(2) Guides Pétaouchno­k, Bretagne, Normandie et bientôt Provence (Hachette).

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PHoto Jc MiLHet. Hans Lucas Des cyclotouri­stes en randonnée dans l’Aude, en septembre 2022.

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