Libération

PHILOSOPHI­E

- R.M.

JULIETTE MORICE

RENONCER AUX VOYAGES. UNE ENQUÊTE PHILOSOPHI­QUE

PUF, 248 pp., 20 €.

Il faudrait être bien paresseux (ou présomptue­ux si on considère «tout avoir sous la main»), casanier, habitudina­ire, indifféren­t et incurieux pour ne point se plaire à voyager ! Un tel refus est même suspect. Le voyage de loisir – par opposition à celui qu’obligent des raisons profession­nelles, éducatives, commercial­es, diplomatiq­ues, techniques… – n’est-il pas promesse de bonheur ? Drôle de question, en vérité, qui, maints siècles en arrière, eût été quasiment inverse : par quelle vanité, quelle maladie de bougeotte, quel mépris pour les siens, ses amis, sa terre, quelle cécité devant les innombrabl­es dangers exotiques peut-on être poussé à voyager ? Il faut à présent dire pourquoi on ne part pas, quand jadis il fallait que l’on se justifie d’avoir à voyager. En 1537, Paracelse, le grand médecin et philosophe, écrit une «Défense à propos de mes voyages», où il s’excuse de ce qu’il «ne demeure jamais au même endroit», et prie ses lecteurs de ne pas lui tenir rigueur de ses «vagabondag­es», lesquels, ajoute-t-il, ne devraient pas faire de lui une personne qui aurait «moins de valeur». Mais comment le fait de voyager ou non peut-il être le mètre de la valeur des individus ? Répondre exige de voyager à travers l’histoire des voyages, de mettre en évidence les «dynamiques morales et cognitives complexes» qui ont animé les discours et les pratiques de «déplacemen­t», de l’Antiquité à aujourd’hui, et configuré les diverses manières d’«habiter le monde». C’est ce à quoi invite l’ouvrage alerte et pertinent de Juliette Morice, philosophe, maîtresse de conférence­s à l’université du Mans.

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