Olivier Rocabois La patience a du bon
Un magnifique exercice pop nd par un Breton inspiré par Bowie et Brian Wilson, qui a traversé cinquante ans d’underground avant de réussir son coup.
«Pour aller jusqu’à toi, quel drôle de chemin il m’a fallu prendre». On pense à la réplique finale du Pickpocket de Bresson en découvrant l’album d’Olivier Rocabois. Tortueux, mais surtout long dans son cas. Pour accoucher d’un si beau disque, ce drôle de Breton à moustache et front dégarni aura attendu d’avoir la cinquantaine, soit l’Après-midi de nos vies pour reprendre le nom de son album. Au sein des innombrables formations rennaises qu’il a fréquenté sans succès ou avec All If, son dernier groupe avant l’envolée solitaire, il a plus ou moins taillé la même pierre philosophale sans jamais la transformer en ce pur or pop. C’est enfin arrivé avec ces onze titres en partie financés grâce à une cagnotte participative. Il est amusant de retomber sur la déclaration d’intention de sa collecte (13331euros réunis quand même, merci à ceux qui ont permis à ce disque d’exister) : «L’album Olivier Rocabois Goes Too Far publié en2021 m’avait permis de sortir des cavernes de l’underground… Mon ambition est simple et démesurée cette fois: je souhaite vous offrir un disque historique… Avec cet album, je veux… marquer les esprits, faire entrer ma musique dans vos vies et les accompagner. J’ai l’impression de vivre un âge d’or, car je n’ai jamais été aussi heureux et créatif.» Ce qui est dingue, c’est qu’il y est arrivé. Dans le même texte, il se montrait aussi lucide, reconnaissant qu’il aurait aussi pu rester «un énième Brian Wilson du dimanche qui joue sur un piano de location dans un appartement témoin». Il y en a tellement comme ça, qui s’accrochent sans qu’on ne sache jamais si cela a un sens. Ils se sentiront vengés ou jaloux, en découvrant ces sublimes chansons en anglais directement inspirées par les harmonies des Beach Boys et le David Bowie des années 60, dont la voix de Rocabois a de troublants échos. Avec l’aide de ses musiciens, il réussit à habiller ses douces compositions d’arrangements d’une folle élégance, sans les surcharger pour autant, donnant un sens au terme «pop orchestrale de chambre». C’est quoi déjà la phase de Brigitte Fontaine ? «Je suis vieille et je vous encule.» La vie commence à cinquante ans.