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Sous le feu russe, l’Ukraine obtient de Biden une avancée majeure

Suivant Paris, Washington a autorisé jeudi Kyiv à frapper des cibles russes avec des armes américaine­s pour se défendre. Berlin est sur la même ligne.

- SONIA DELESALLES­TOLPER (avec AFP)

Depuis plusieurs jours, le secrétaire général de l’Otan appelait à lever ces restrictio­ns.

«Un pas en avant.» Sans parler de tournant, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, n’a pourtant pas perdu de temps vendredi pour saluer la décision du président américain, Joe Biden, d’autoriser sous certaines conditions l’Ukraine à frapper des cibles sur le sol russe. «Le Président a donné pour mission à son équipe de faire en sorte que l’Ukraine puisse utiliser des armes américaine­s afin de contre-attaquer dans la région de Kharkiv, de manière à riposter lorsque les forces russes les attaquent ou se préparent à les attaquer», avait affirmé jeudi dans la soirée un haut responsabl­e américain.

Pour le président ukrainien, cette annonce représente une bouffée d’oxygène «qui consiste à donner la possibilit­é de défendre notre peuple qui vit dans les villages situés le long de la frontière», a-t-il dit vendredi lors du troisième sommet Ukraine-Europe du Nord à Stockholm. Il faisait notamment référence à la région autour de la deuxième ville du pays Kharkiv (lire cicontre), sous le feu constant des bombardeme­nts russes. Zelensky a pu se réjouir triplement puisque l’annonce américaine intervenai­t après celle d’Emmanuel Macron plus tôt dans la semaine, qui avait jugé que l’Ukraine avait le droit de se défendre en visant des cibles militaires en Russie, et a été suivie par une décision similaire de Berlin. Ces frappes autorisées vers la Russie peuvent être décidées «de manière à riposter lorsque les forces russes les attaquent ou se préparent à les attaquer» dans une zone précise, a indiqué la source américaine. Le Royaume-Uni livre déjà depuis un certain temps à l’Ukraine des équipement­s «sans aucune restrictio­n» d’usage.

Offensive. Moscou a immédiatem­ent réagi par la voix du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qui a assuré que des armements américains étaient «déjà utilisés pour tenter de frapper le territoire russe», ce qui, selon lui, représente une preuve supplément­aire du «degré d’implicatio­n des Etats-Unis dans ce conflit». La veille, la Russie avait déjà reproché à l’Otan de lancer «un nouveau cycle d’escalade». Des reproches que le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenber­g, a balayé vendredi en y voyant de nouveaux «efforts» du président russe, Vladimir Poutine, «pour empêcher les alliés de l’Otan de soutenir l’Ukraine». Depuis plusieurs jours, le secrétaire général appelait les capitales occidental­es à lever des restrictio­ns qui «lient dans le dos les mains des Ukrainiens».

De son côté, l’Allemagne a estimé que les Ukrainiens pouvait recourir à ses équipement­s contre des cibles militaires en Russie, notamment en réponse à l’offensive lancée le 10 mai par Moscou dans la région de Kharkiv. Le porte-parole du chancelier Olaf Scholz, Steffen Hebestreit, a rappelé que l’Ukraine avait le «droit» de se défendre avec les armes dont elle dispose, «y compris celles que nous avons livrées». Washington, Paris ou Berlin sont cependant d’accord pour préciser qu’ils continuent à s’opposer à des frappes ukrainienn­es en profondeur sur le territoire russe. «Notre position d’interdicti­on de l’utilisatio­n d’ATACMS ou de frappes en profondeur à l’intérieur de la Russie n’a pas changé», a-t-il dit. Les ATACMS sont des missiles de longue portée fournis par les Américains à l’Ukraine, pouvant aller jusqu’à 300 km de distance.

Tractation­s. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, avait laissé entendre mercredi que les Etats-Unis avaient infléchi leur position en termes de frappes ukrainienn­es sur le sol russe. «Alors que les conditions ont changé, alors que le champ de bataille a changé, alors que la Russie a modifié la manière de conduire son agression, nous nous sommes adaptés et je suis convaincu que nous continuero­ns de le faire», avait-il dit à la presse lors d’une visite en Moldavie, pays frontalier de l’Ukraine.

L’Ukraine avait demandé le 13 mai la permission d’utiliser des armes américaine­s pour frapper des cibles sur le territoire russe. Joe Biden avait donné son accord de principe le 15 mai, avant de s’entretenir avec Antony Blinken au retour d’une visite de celui-ci à Kyiv et d’officialis­er sa décision jeudi, après plusieurs semaines de tractation­s en coulisse.

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