En Ile-de-France, un réseau de transports aux multiples carences
Les JO 2024 et la construction du Grand Paris Express sont une opportunité historique pour rendre la métropole parisienne plus accessible. Mais les associations déplorent des retards sur les lignes existantes.
Une mère avec poussette, demandant de l’aide, au pied d’un escalier, des touristes hissant une valise plus lourde qu’eux, une dame âgée soufflant à chaque palier: ces scènes familières du métro parisien, dont seules 3 % des stations sont accessibles aux personnes en fauteuil, ne devraient plus se produire quand le Grand Paris Express (GPE) sera définitivement mis en service, en 2031. Les 68 stations qui jalonneront les 200 kilomètres du «super-métro» seront toutes accessibles à 100 %, comme les rames.
En attendant son inauguration fin juin par le président de la République, la visite de la gare flambant neuve de Saint-Denis-Pleyel – nouveau terminus de la ligne 14 à compter de juillet et hub majeur du GPE–, en offre une démonstration éclatante, avec ses 56 escaliers mécaniques et 17 ascenseurs qui permettent d’atteindre les quais enfouis à 30 mètres de profondeur. Comme pour les sites olympiques, des «groupes d’experts d’usages» (associant personnes en fauteuil, non-voyantes, autistes, etc.) ont testé la gare et les rames, grâce aux maquettes grandeur nature installées à la Fabrique du métro.
Insuffisant. Mais les associations déplorent le peu d’efforts engagés sur le réseau existant, en dépit des promesses. Certes, un «fond territorial d’accessibilité» de 430 millions d’euros a été mis en place, avec un accent prioritaire cette année sur les grandes gares et celles qui desservent les sites olympiques. Mi-mai, Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, inaugurait la nouvelle gare RER de L’Ile-Saint-Denis, qui a fait l’objet de lourds travaux de mise en accessibilité. Le lendemain, elle présentait la flotte de 150 minibus prévue pour acheminer les spectateurs en situation de handicap vers les sites olympiques. Quant aux taxis adaptés, ils seront un millier, quatre fois plus qu’aujourd’hui, promettent les organisateurs.
Pas suffisant pour Nicolas Mérille, de l’association APF France Handicap. «Les organisateurs des Jeux se targuent de l’héritage. Sauf que, pour nous, il va être très faible. On n’aura pas d’héritage en termes de métro alors que nos principes étaient réalistes : à chaque rénovation d’une station [il y en a trois à quatre par an], qu’on prenne en compte l’accessibilité.» Ce n’est pas le cas, selon lui. «J’ose espérer que les étrangers ne seront pas déçus de la France», glisse de son côté Julien Zéléla, de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes. Le métro parisien, où il n’y a pas de braille et une sonorisation insatisfaisante, est à des années-lumière de ceux de Tokyo ou de Séoul, villes hôtes de précédentes éditions des Jeux. «Je suis allé à Séoul. Quand on sortait du métro, au niveau de la rampe, il y avait du braille pour indiquer la sortie et idem quand on rentrait dans le métro. Dehors, un grand panneau en braille pour indiquer les rues. C’était en 2005. On est en 2024, ce n’est toujours pas fait en France».
«Première étape». Le président Emmanuel Macron a lui-même reconnu, le 15 avril sur RMC-BFM, que le métro «n’est pas totalement à la hauteur et au rendez-vous». Un constat également admis par Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français, auprès de l’AFP : «On est loin de la situation idéale […] mais ces Jeux sont une première étape, derrière il faut continuer à avoir cet agenda ambitieux.»
Côté habitat, le village des athlètes deviendra, après sa reconversion, un quartier «accessible» de 2800 logements, pour les familles comme les étudiants. Dans l’espace public, la Solideo, l’aménageur public, s’est efforcée de «traiter l’ensemble de la chaîne de déplacement», par exemple en veillant à ce que les cheminements pour les piétons soient libres de tout obstacle et en multipliant «le mobilier d’assise inclusif». Sans oublier la «signalétique multisensorielle» pour les non-voyants ou ceux qui ne parlent pas le français. Car «ce qui est indispensable pour 10% des usagers est utile pour 40 % d’entre eux et confortable pour tous», rappelle le maître d’ouvrage. La Solideo met aussi en avant la construction du Prisme à Bobigny, splendide équipement pour le parasport de haut niveau, ou la mise en accessibilité du stade Pierre-de-Coubertin à Paris.