Un territoire où circulent de nombreuses armes à feu
On compte en proportion, bien plus d’armes en Nouvelle-Calédonie qu’en métropole, notamment en raison de la chasse et d’une culture locale de l’autodéfense.
Depuis le début des violences qui secouent la Nouvelle-Calédonie, quatre personnes, dont un gendarme, ont été tuées par des armes à feu circulant dans la population civile. Un deuxième gendarme a succombé à un tir accidentel, ne venant pas des manifestants. Face à ce bilan, le député Renaissance de la deuxième circonscription du «Caillou», Nicolas Metzdorf, s’alarmait mercredi sur BFMTV: «Les Calédoniens sont surarmés. On compte 100 000 armes pour 270 000 habitants.»
Si ce chiffre interpelle, il est bien réel. En 2022, le HautCommissariat
de la République en Nouvelle-Calédonie comptait 64 000 armes déclarées et «au moins autant [non déclarées] en circulation». Ramené aux 268 000 habitants, on obtient un ratio de presque une arme pour deux habitants. La même année, en métropole, le ministère de l’Intérieur recensait 5,4 millions d’armes détenues légalement. Et l’Institut de hautes études internationales et du développement, basé à Genève, estimait que 7 millions d’armes y étaient détenues illégalement. On compterait donc en métropole une arme pour un peu plus de cinq habitants.
Chasse. Pour Philippe Dunoyer, député Renaissance de la deuxième circonscription de Nouvelle-Calédonie, ces chiffres ne sont pas étonnants. «La Nouvelle-Calédonie est un territoire qui, statistiquement, a toujours été plus armé que la métropole.» Un constat qui tient, selon l’élu, à plusieurs facteurs.
Le premier serait culturel. Sur le territoire calédonien, la chasse est une pratique aux nombreux adeptes. La fédération locale de chasse compte 4500 adhérents. Contacté par Libération, son directeur, Pascal Fort, appelle à ne pas «stigmatiser les détenteurs légaux qui ne posent aucun problème». Selon une connaisseuse du territoire, les populations européennes – caldoches et métropolitaines – ont aussi développé une culture de l’autodéfense. «Il y a chez ces populations une volonté de protéger ses biens, sa propriété privée.» Depuis plusieurs jours, des milices s’organisent pour protéger les quartiers européens et, sur nombre de leurs barrages, ces citoyens ne se cachent pas d’être armés.
Après les drames des années 80, des quotas restrictifs avaient été mis en place pour éviter que de tels affrontements ne se reproduisent. Mais ces mesures ont été levées en 2011 pour revenir à la même législation qu’en métropole. Une carte d’identité ou un permis de chasse suffisent pour se procurer une arme de chasse, qui fait ensuite l’objet d’une déclaration administrative. Le texte a entraîné une ruée dans les armureries : 4 521 armes ont été vendues en 2011, puis 4 382 l’année suivante, contre 1 381 en 2010.
Collecte. «On aurait dû observer plus de précautions, concédait en 2013 Jean-Jacques Brot, qui occupait alors le poste de haut-commissaire sur l’île. Je considère hélas que des arsenaux ont été constitués.» Malgré une tentative de nouveau resserrement du cadre en vigueur en 2015, la situation n’a pas fondamentalement évolué. Il y a deux ans, comme partout en France, une opération de collecte des armes détenues illégalement a été menée en Nouvelle-Calédonie. Le bilan avait été maigre: 40 armes rétrocédées.