Kamasi Washington, magma en fusion
Le saxophoniste livre un double album où, toujours ivre de sons et d’invités, surnagent de belles idées mélodiques.
Quand Kamasi Washington sort un disque, il ne fait pas les choses à moitié. Six ans après le triple CD Heaven and Earth, le saxophoniste qui s’était révélé en 2015 avec un coffret de cinq LP remet donc le couvert avec un double album, toujours ivre de sons et bourré d’invités. Des instrumentistes en veux-tu en voilà (Thundercat le champion olympique de la basse, le percussionniste Carlos Niño l’actuel tenant du titre en nombre de collaborations) mais aussi des vocalistes conviés au micro de ce festin (George Clinton, Dwight Tribble, D-Smoke, BJ The Chicago Kid…), rappelant que ce grand bleu de la Côte Ouest a grandi en écoutant du rap, du funk et de la soul. Forcément, tous ceux-là épaississent les galettes, déjà suffisamment fournies, d’un musicien plus que capable de verser dans l’indigeste grandiloquence. A tel point que l’on risque de se noyer dans un tel magma de notes, une forme de jazz fusion dont le bonhomme est dans ses excès un parangon. De cette mixture surnagent pourtant beaucoup de belles idées mélodiques (Asha The First, dédié à sa fille de 2 ans) qui rappellent que l’épure peut être la voie vers la sagesse.
«Le monde s’est arrêté, moi pas du tout», reconnaît d’ailleurs Kamasi Washington à propos de Fearless Movement, commencé à l’époque de la pandémie et débuté par Lesanu, où celui qui endosse la panoplie du nouveau prophète du jazz récite une prière en guèze, la langue de la Bible orthodoxe éthiopienne, avant de s’élancer dans une furia jazz funk. Tout ceci ne manque pas d’attrait, tout comme à l’autre bout du spectre Dream State, avec le flûtiste Andre 3000, planant. C’est en ce sillon, débarrassé de tous ses trucs et tics d’une formule qui vire par trop au roboratif, au risque de masquer sa réelle consistance, que Kamasi Washington réalisera vraiment le disque qu’on attend d’un tel talent. Un simple, tout bonnement ?
KAMASI WASHIngTOn FeArleSS MoveMenT (Young Turks).