Incidents, retards, vétusté… entre Paris et Clermont, le train rame
Sur cet axe sans TGV, les infrastructures vieillissantes et le manque d’équipes de maintenance font se multiplier les retards et les suppressions de trains. Les nouvelles rames, à l’origine promises pour 2026, vont se faire attendre.
«Mon train de dimanche vient d’être annulé!» Ce samedi soir, Jeanne, 25 ans, navigue sur le site de la SNCF pour trouver fissa une place dans le train de 5 h 33 et arriver lundi à l’heure à son bureau. Nouvelle illustration des galères que connaissent les usagers du Paris-Clermont. Le 19 janvier, un train a mis onze heures pour rejoindre l’Auvergne. La Croix-Rouge a dû venir au secours de 700 voyageurs sans chauffage, toilettes ni nourriture. «En 2017, j’ai mis douze heures pour rejoindre Paris en partant de Vichy. Maintenant, je pars la veille», raconte Pablo, cadre dans les collectivités locales. Avec un retard de plus de trois heures tous les quinze jours et de plus d’une heure tous les trois jours (pour des trajets censés durer entre trois et quatre heures et demie), les 1,8 million de passagers annuels de la ligne désespèrent. «Pour beaucoup, ce train-là c’est notre métro, explique Stéphanie Picard, porte-parole du collectif des usagers. On l’utilise pour aller travailler, pour un rendez-vous professionnel, administratif, parfois médical.»
«Sangliers». Clermont-Ferrand est de ces grandes villes françaises non desservies par un TGV. Orléans, Limoges, Brive, ou encore les transversales Nantes-Lyon sont confrontées à la même vétusté des rames Corail et des locomotives. «On a beaucoup investi sur le TGV, mais moins sur le réseau capillaire, pointe Anthony Prat, secrétaire régional adjoint de la CGT Cheminots Auvergne-Nivernais. Sur un parc de matériel tendu, avec un personnel restreint, tant au niveau des contrôleurs, des conducteurs que de la maintenance, on est confrontés à une accélération des problèmes.» Avant, une équipe basée à Nevers intervenait lors des pannes. «Au gré des réorganisations et des conventions, Bourgogne-Franche-Comté entretient les TER mais ne dépanne plus l’Intercités Clermont-Paris», ajoute le syndicaliste. Le député communiste du Puyde-Dôme André Chassaigne interroge la SNCF : «N’auriez-vous pas supprimé trop d’emplois au niveau des ateliers qui faisaient l’entretien des voitures et des locomotives ?»
Le gouvernement semble partager ce constat. En février, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, est venu cajoler les Auvergnats, regrettant que «depuis trente ans, la ligne [soit] sous-dotée». «On se retrouve avec quelqu’un qui n’aurait pas entretenu sa maison pendant plusieurs dizaines d’années et qui s’inquiéterait d’avoir des fuites ou un trou dans le toit, a-t-il affirmé. Nous sommes restés pendant des années sur un budget de régénération de 1 euro du kilomètre, qui était le plus bas d’Europe.»
Etat et SNCF ont promis 890 millions d’euros d’infrastructures et 350 millions d’euros de matériel roulant, soit une équipe de maintenance et une locomotive de secours stationnée à Nevers, auxquels s’ajouteraient 20 kilomètres de grillage et 220 kilomètres de débroussaillage pour améliorer l’état des voix et limiter les accidents avec la faune sauvage. «Un collaborateur de la SNCF, canadien, m’a dit à la fin d’une réunion : “Je ne comprends pas, on peut traverser le Grand Nord canadien sans qu’il y ait des élans qui percutent les trains, mais chez vous il y a des sangliers tous les 20 kilomètres”», relate le maire socialiste de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi. Il en faudra sûrement davantage pour convaincre les usagers de la ligne. «Le grillage est utile, mais ne réglera pas le fond du problème, ajoute Olivier Bianchi. Des mesures structurelles de long terme sont nécessaires.»
«Urgence». «La locomotive de secours a été livrée à Nevers en avance sur le planning», salue tout de même, côté usagers, Stéphanie Picard. Mais la promesse de livraison de douze nouveaux trains Oxygène en 2026 ne sera pas tenue. En fin de semaine dernière, la branche française du fabricant espagnol CAF a confirmé qu’un seul nouveau train serait livré cette année à la SNCF avant d’échelonner la livraison jusqu’en 2027. Avec 420 places, ces rames neuves sont censées pouvoir circuler à 200 km/h. «Nous comprenons qu’il va donc falloir tenir un an et demi de plus avec le vieux matériel», s’indigne Stéphanie Picard, qui se demande d’ailleurs si douze rames seront suffisantes puisque, aujourd’hui, une vingtaine de locomotives assurent la fréquence du Clermont-Paris.
Robert Mathevet, coordinateur du Groupe SNCF pour les lignes Clermont-Paris et Paris-LimogesToulouse, veut rassurer : «En parallèle du plan d’action d’urgence que nous mènerons au bout dans les mois à venir, l’achèvement des travaux de modernisation de la ligne en 2027, notamment le renforcement de l’alimentation électrique sur le nord de la ligne, permettra aux nouvelles rames Oxygène de donner leur pleine puissance pour un gain de temps de dix minutes: trois heures quinze entre Clermont et Paris pour les trains avec quatre arrêts intermédiaires, versus trois heures vingt-cinq actuellement, et une grande fiabilité de l’exploitation de la ligne.» Depuis janvier 2023, une pétition demande un train en deux heures et demie entre la capitale et l’Auvergne. Elle a dépassé les 12 000 signatures.