Zamdane, rappeur porté par les flows
Après la sortie de son deuxième album, le FrancoMarocain continue de porter la voix des exilés qui prennent la mer. Il vient d’être récompensé de la flamme de l’engagement social, et revient sur scène en mai, avec deux Olympia complets.
Z«Il n’y a pas que moi qui porte un message dans le rap. Il y a aussi
Aya Nakamura sur plusieurs sujets ou encore PNL et TIF.»
Zamdane
amdane est un miraculé. En mai 2023, le rappeur franco-marocain a frôlé la mort après un grave accident de la route en Espagne. De multiples fractures au bras, à la hanche, au fémur, puis de longues semaines en fauteuil roulant. Quand on rencontre l’artiste franco-marocain dans les locaux de son label à l’aube de la sortie de son deuxième album, Solsad, Zamdane ne présente plus aucune séquelle. «Tout va bien maintenant. Je n’ai aucun souvenir de l’accident», balaye-t-il, tout de noir vêtu, ses longs cheveux bouclés ramassés vers l’arrière. Mais son entourage le concède : Zamdane s’est rappelé combien la vie tenait à un fil. Une existence cabossée, partagée entre Marseille – sa «mère adoptive» – et le Maroc.
Zamdane ne veut pas choisir entre ses deux identités. Dès les premières notes de Solsad, une voix suave introduit son deuxième album dans un mélange de darija – l’arabe dialectal marocain – et de français. La voix est celle de son père, guide touristique à Marrakech, à qui il doit sa culture musicale. Ayoub Zaidane, de son vrai nom, 26 ans aujourd’hui, y a grandi. Dans le quartier populaire de Bab Doukkala plus précisément. «Enfant du souk», se revendique-t-il dans ses textes.
Dans sa musique, il dépeint son enfance heureuse. «J’ai grandi avec des nids d’oiseaux dans ma maison. Les petits moineaux venaient nous réveiller le matin. C’était une dinguerie», nous raconte-t-il avec un large sourire. Les oiseaux sont omniprésents dans ses chansons, en témoigne le featuring avec la star Josman, Alouette. Il tâtonne : «Ça traduit aussi peut-être un désir d’envol.» Comme pour rappeler une envie d’ailleurs – et sa face plus sombre– survenue dès l’adolescence. Face au manque d’opportunités que lui offre son pays, le jeune Ayoub entreprend de rallier la France pour démarrer une nouvelle vie. Il découvre les drames qui se jouent en Méditerranée et qui finissent par le frapper de près. «On a été touché de plein fouet. J’ai beaucoup de frères qui n’ont jamais vu la terre ferme», confie pudiquement Zamdane, au sujet de ses amis qui ont tenté, en vain, la traversée vers l’Europe.
Lui a «failli rejoindre la France à la nage», avoue-t-il, dans le Monde par ma fenêtre, l’un de ses premiers titres à succès. Mais Zamdane gagne finalement la France en voiture, en traversant l’Espagne, à seulement 17 ans. Arrivé à Istres (Bouches-du-Rhône), en juillet 2015, Zamdane finit par s’installer à Marseille. Il dit avoir attrapé le virus du rap dans la rue, en traînant du côté de la zone industrielle proche du port. C’est là que se noue une amitié forte avec «Momo» (Mohammed, aka New Pirelli), aujourd’hui son manager. Deux «immigrés», comme ils se définissent, animés par un sentiment d’injustice et une volonté de combattre leur destin. «A ce moment-là, avec Momo, on était tellement désespérés qu’on s’est juré qu’on redistribuerait notre argent si un jour on parvenait à sortir la tête de l’eau», assure le Franco-Marocain.
Culot. Sa série de freestyles Affamé confirme son potentiel auprès des suiveurs. 2022 fait figure de moment de bascule dans la carrière de l’artiste. Avec son manager, au culot, ils s’en vont taper à la porte d’Antoine Laurent, alors chef de projet chez Yard. «Ayoub m’informe qu’il veut associer la sortie de son premier album, Couleur de ma peine, à une action caritative. Il m’explique que la cause des migrants lui tient à coeur», explique celui qui est devenu son directeur artistique entre-temps. En quelques semaines, la petite équipe monte une série d’actions avec l’association SOS Méditerranée, basée à Marseille. «Zamdane est arrivé en toute humilité et voulait rendre hommage au travail des sauveteurs en mer, resitue Sabine Grenard, responsable événementiel pour SOS Méditerranée. Dès qu’on a fait référence aux 14 000 euros quotidiens pour faire fonctionner notre navire et porter assistance, c’est devenu une évidence pour lui qu’il fallait lever cette somme.»
En quelques jours, Zamdane et ses amis collectent l’argent et le reverse immédiatement à l’association. «Quand il s’engage dans un projet comme celui-ci, il déplace des montagnes», loue Sabine Grenard. Couleur de ma peine devient rapidement un album à succès et Zamdane, la cause des exilés chevillée au corps, se fait connaître pour ses textes touchants, comme dans le titre Flouka. Mais l’artiste n’aime pas qu’on le range dans la catégorie de «rappeur engagé» – il vient d’ailleurs d’être récompensé de la flamme de l’engagement social. Entre un coup de fil de son père et le choix d’une tenue pour un shooting à venir, il remet les pendules à l’heure : «Il n’y a pas que moi qui porte un message dans le rap. Il y a aussi Aya Nakamura sur plusieurs sujets ou encore PNL et TIF pour la cause palestinienne.»
«Fierté». L’année dernière, Zamdane a eu envie de réitérer l’opération pour en faire un rendez-vous régulier. «Il ne voulait surtout pas laisser croire qu’il avait mené cette initiative pour se donner une image», justifie Antoine Laurent. Alors le rappeur a convié tous ses amis artistes pour un concert caritatif, à Marseille. Quinze rappeurs, parmi lesquels
Rim’k, Deen Burbigo ou encore Bekar, ont enflammé la scène. L’événement rapporte près de 120 000 euros à SOS Méditerranée, soit la somme nécessaire pour une semaine de sauvetage en mer de l’Ocean Viking. C’était en juin 2023, quelques semaines après avoir cru mourir dans son accident de voiture. «J’ai ressenti beaucoup de fierté», dit le rappeur avec des yeux éclatants.
Son deuxième album sorti, Zamdane est «apaisé». Ça se traduit en musique. Des flows posés accompagnent des instrus au piano, à la guitare ou au violon. Les thématiques de l’exil et du deuil sont moins présentes pour laisser place à l’amour et la famille. «C’est parce que je grandis, ça y est je suis français maintenant, frérot», rigole-t-il. Mais si les blessures de Zamdane ne sont pas encore effacées, le rappeur le reconnaît :