Tensions entre l’Iran et l’Israël : il y a riposte et riposte
Les dirigeants iraniens et israéliens se livrent avec talent à un enfumage planétaire sur les agressions dont ils sont l’objet, les frappes réelles et les similifrappes. Il est indispensable pour comprendre de remettre un peu de chronologie.
L’attentat du 7 octobre
Tout commence avec l’attentat du Hamas le 7 octobre 2023, qui tue 1 139 Israéliens, nombre de morts le plus élevé depuis la création d’Israël, malgré toutes les guerres et tous les attentats. 250 personnes sont par ailleurs prises en otages, dont au moins 105 ont été relâchées en échange de 240 Palestiniens. Parmi les 150 encore captifs, 34 ne seraient plus en vie.
La riposte israélienne ne tarde pas. Depuis plus de six mois, les bombardements meurtriers sur Gaza ne cessent pas, avec un nombre de morts se situant au-delà de 34 000 selon les chiffres du Hamas, population gazaouie et combattants du groupe compris. Mais ce massacre n’est pas de nature à effacer le traumatisme existentiel subi par Israël.
Une opération sur le sol iranien
En attendant d’éradiquer l’état-major du Hamas, comme l’a promis le Premier ministre Nétanyahou, le Mossad s’est intéressé à un homme désigné comme l’un des principaux acteurs du 7 Octobre : Reza Zahedi. Le 1er avril, des missiles israéliens ont frappé l’annexe de l’ambassade d’Iran en Syrie, faisant 16 morts selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, dont cinq Syriens, un Libanais et huit Iraniens, parmi lesquels sept officiers supérieurs de l’organisation des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique du régime iranien. Parmi eux, deux généraux, dont Reza Zahedi, chargé des opérations extérieures de la force Al-Qods pour la Syrie, le Liban et la Palestine. Après sa mort, l’Iran a rendu un hommage très particulier au général. «Nous ferons regretter au régime sioniste vicieux d’avoir commis ce crime», a déclaré l’ayatollah Khamenei, promettant qu’Israël «sera giflé». Le général Salami, commandant en chef des Gardiens de la révolution a quant à lui évoqué les «martyrs» du 1er avril. Mais l’hommage le plus précis est venu du Conseil de la coalition des forces de la révolution islamique, qui a révélé que Reza Zahedi «avait joué un rôle crucial dans la préparation et la mise en oeuvre de l’attaque du 7 Octobre». La chaîne de télé persanophone Iran International, basée à Londres, est allée plus loin : Reza Zahedi était tout simplement «l’architecte du 7 Octobre». Tout est dit. Mais on n’en saura pas plus, Israël ayant pris la précaution – pour satisfaire Washington – de ne pas pavoiser.
Confronté à cette dénonciation, l’Iran était contraint de réagir pour crédibiliser son «axe de la résistance». Entre Israël et l’Iran, depuis 1979 et la victoire de Khomeini, la guerre est permanente, à ceci près qu’elle restait dans l’ombre. L’Iran a utilisé le terrorisme islamiste pour frapper Israël et les juifs, comme en 1992 à
nd Buenos Aires lors d’un attentat qui a fait 85 morts (la justice argentine a, le 11 avril, déclaré l’Iran «coupable» de cet attentat). Israël a de son côté multiplié les sabotages et les opérations d’éliminations ciblées de responsables et de scientifiques iraniens liés au programme nucléaire, comme l’exécution de Mohsen Fakhrizadeh, en novembre 2020.
Les 350 objets volants dans le ciel israélien
Le 13 avril, à 23 h 45, l’Iran a lancé 350 drones et missiles vers Israël pour «venger» le général Reza Zahedi. L’opération s’appelle «Promesse honnête», une formulation pas spécialement guerrière. Personne en réalité n’a envie de mettre le feu à la région, sauf peut-être les furieux islamistes des proxys – groupes armés pro-Iran – et les furieux de l’extrême droite israélienne. Le communiqué iranien précise que «la force aérospatiale du corps des Gardiens de la révolution islamique a tiré des dizaines de missiles et de drones sur des cibles situées à l’intérieur des territoires occupés», une formule qui, en passant, signifie qu’aux yeux de l’Iran, Israël reste un Etat illégitime. Deux heures plus tard, les objets volants arrivent sur Israël. Mais l’Iran a attaqué tout en sachant que le dôme de fer neutraliserait ses frappes, dont les conséquences sont encore plus limitées que prévu. Le parapluie israélien a tenu, des pilotes américains, britanniques et français bouchant quelques trous dans le dôme, sans oublier les informations apportées par les Jordaniens, les Saoudiens et les responsables des Emirats arabes unis. Le communiqué iranien qui suit est sans ambiguïté : «L’affaire est close.» Le message est d’une éclatante clarté : l’Iran ne veut pas d’une guerre avec Israël maintenant, comme le souhaiteraient ses proxys. La crise économique et sociale, la rivalité politique entre les mollahs et les Gardiens de la révolution, le mouvement «Femme, vie, liberté» : l’Iran est plus que jamais à la peine.
Des mini drones israéliens lancés d’Iran
Dans la nuit du jeudi 18 au vendredi 19 avril : Israël veut avoir momentanément le dernier mot dans cette passe d’armes. Pas d’offensive générale de nature à entraîner une nouvelle riposte iranienne, mais des explosions signalées près d’Ispahan. L’offensive a lieu avec des drones israéliens, tous lancés à partir du sol iranien, ce qui a de quoi inquiéter les autorités de Téhéran sur l’existence d’éventuels réseaux clandestins, mais pas de quoi froisser la Maison Blanche et un Joe Biden en pleine campagne électorale. D’autant que l’opération n’est pas revendiquée par Israël, aucun message, rien, ce qui revient à jouer l’apaisement. L’Iran, de son côté, minimise et ne menace pas son ennemi.
Samedi 20 avril, à la Chambre des représentants des Etats-Unis, les républicains votent finalement le plan d’aide de 95 milliards de dollars (environ 89 milliards d’euros) à l’Ukraine, à Israël et à Taïwan. Le principal allié de l’Iran, la Russie de Poutine, passe une sale journée.
Personne en réalité n’a envie de mettre le feu à la région, sauf peut-être les furieux islamistes des proxys – groupes armés pro-Iran – et les furieux de l’extrême
droite israélienne.