Gabriel Attal à Viry-Châtillon L’autoritaire ferme
A coup de formules chocs, le Premier ministre a présenté jeudi, dans une ville marquée par la mort du jeune Shemseddine, ses pistes pour remédier à la «violence déchaînée» d’une «partie de nos adolescents».
Aux grands maux… les grands mots. Sur le parvis de l’hôtel de ville de Viry-Châtillon, cette commune de l’Essonne bouleversée par l’agression mortelle, début avril, de Shemseddine, adolescent de 15 ans tabassé près de son collège, Gabriel Attal a lancé son opération «pour un sursaut d’autorité» avec de gros roulements de tambours. C’est rien de moins que «la République qui contre-attaque», assènet-il, entouré des ministres Nicole Belloubet (Education) et Eric Dupond-Moretti (Justice), de la ministre déléguée Sarah El Haïry (Jeunesse) et de la secrétaire d’Etat Sabrina Agresti-Roubache (Ville et Citoyenneté).
Face à «une forme de violence déchaînée, morbide, sans règle» voire à une «spirale», un «déferlement», une «addiction d’une partie de nos adolescents à la violence», le Premier ministre, ton ferme et visage fermé, qui reprend le diagnostic présidentiel d’un risque de «décivilisation», ne lésine pas sur la punchline : «Ma boussole, c’est l’impunité zéro», prévient-il, voulant «prendre le mal à la racine» et sonner «la mobilisation générale de la nation pour renouer avec ses adolescents» et «juguler la violence». Rappelant sa décision, à la rentrée dernière, d’interdire manu militari l’abaya dans les établissements scolaires, qui avait fait son succès au ministère de l’Education, Gabriel Attal veut remettre «partout, à la maison, à l’école et dans les rues» de «l’autorité» – mot qu’il martèle à 30 reprises – et ressort ses meilleurs hits: «Le “pas de vague”, c’est fini», «La culture de l’excuse, c’est fini», «Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies.» Un festival.
«EXPRESSIONS CONTRADICTOIRES»
Lancé dans une intense séquence de communication censée faire mousser le bilan de ses cent premiers jours «d’action» à Matignon, le chef du gouvernement retrouve sa zone de confort, après avoir trébuché sur le difficile débat autour du déficit budgétaire et annoncé un nouveau durcissement, très contesté, de l’assurance chômage. «Contrairement au seul-en-scène que lui permettait le ministère de l’Education, Matignon expose davantage aux expressions contradictoires, aux vents contraires, à l’impératif de gérer l’étage du dessous ou du dessus, décrypte un député Renaissance. Il veut montrer qu’Attal est toujours Attal, et refaire du régalien, avec un côté “carpet bombing” [une technique de surmédiatisation, ndlr].»
Venu, avant son discours, discuter avec les équipes et les bénéficiaires de la Maison des jeunes et de la culture, Attal ne s’adresse pas tant à eux qu’aux Français «sidérés», qui «ont le sentiment de trop voir dans le poste» une partie de la jeunesse «à la dérive». «Il faut les comprendre, les Français. Lorsqu’ils observent que les règles, qui sont faites pour être respectées, sont trop souvent remises en cause, […] lorsqu’ils voient qu’à l’école, l’autorité du professeur est contestée.»
TABLEAU APOCALYPTIQUE
A «ces Français» qui «ne disent rien mais n’en pensent pas moins», le Premier ministre sert ce qu’ils ont envie d’entendre, brossant, au motif de le combattre, un tableau apocalyptique – «il n’y aura pas de guerre des religions à l’école» – et promettant de «reconquérir le droit à la France tranquille». «Comment en est-on arrivé là ?» s’interroge-t-il, tout en ayant son idée : parents, sincèrement débordés ou vraiment défaillants – «le cadre familial doit être un cadre» –, addiction aux écrans, «entrisme d’idéologies contraires à la République», en particulier islamiste, individualisme ambiant – Gabriel Attal dirait même plus, «sécessionnisme individuel» – et son fameux «”pas de vague” généralisé».
Un cocktail détonnant dans lequel tombe «une minorité d’adolescents», se radoucit le Premier ministre, qui veut les «accompagner et leur tendre la main»… Tout en lançant une suggestion choc : ceux qui «perturbent le plus gravement les cours» seraient sanctionnés au brevet, au CAP ou au bac et verraient leur dossier Parcoursup apposé d’une mention qui fera tache, façon de les marquer au fer. Pour remettre cette génération d’équerre, Gabriel Attal, qui compte recevoir les groupes parlementaires et les partis politiques, lance, à la demande d’Emmanuel Macron, un «travail collectif». Son gouvernement, la société civile, les élus, la majorité et l’opposition, priés d’y participer, devront expertiser ses propositions sur le civisme à l’école, l’encadrement des écrans, la responsabilité parentale ou la justice des mineurs. Le tout en huit semaines, et «pas une de plus». Quelle