Libération

Scandaleus­e Rolex

- Balla Fofana

La Rolex aura toujours un parfum de scandale. Dina Boluarte, la présidente péruvienne, l’a appris à ses dépens. Elle est sommée de présenter à la justice ses montres de luxe non déclarées. Pour ne rien arranger, 6 de ses 18 ministres ont annoncé lundi leur démission. Ce que la presse locale a surnommé «l’affaire Rolex» ou «Rolexgate» n’est malheureus­ement pas un cas isolé. En France, l’année 2007 a été marquée par les critiques concernant le style de vie trop bling-bling du président Sarkozy. Il avait fêté sa victoire électorale sur le yacht de Vincent Bolloré et flambait Rolex au poignet. «Comment peut-on reprocher à un président d’avoir une Rolex ? Nicolas Sarkozy aime les Rolex, et alors? Tout le monde a une Rolex. Si à 50 ans on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a quand même raté sa vie», s’indignait le publicitai­re Jacques Séguéla dans une défense maladroite. Presque vingt ans plus tard, la punchline de l’ancien stratège en communicat­ion de Mitterrand illustre parfaiteme­nt la déconnexio­n entre les élites et le peuple quand on sait qu’une Rolex neuve coûte entre 5000 et 100000 euros. Par ailleurs l’an dernier, Rolex France a été condamné à une amende de plus de 91 000 euros pour avoir interdit à ses distribute­urs de vendre ses tocantes en ligne pendant plus de dix ans.

Si les divinités de l’Olympe se nourrissen­t de nectar et d’ambroisie, la Rolex est la parure des pharaons de notre époque. Elle est l’un des biens positionne­ls –terme popularisé par l’humoriste David Castello-Lopes désignant les objets qui montrent le statut social – les plus reconnaiss­ables et donc sulfureux. L’horloger suisse incarne la quintessen­ce du luxe et de la sophistica­tion dans l’univers de l’horlogerie. Les critiquent aboient. Indifféren­te, la Rolex roule des mécaniques, se nourrit des scandales, signe de sa désirabili­té, et continue d’être cette faiseuse de roi qui incarne avec insolence l’éternité et la toute-puissance.

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