Européennes, aïe aïe aïe
Maintenant que la diabolisation est sortie de sa boîte, l’extrême droite va-t-elle se répandre partout ?
Si j’ai bien compris, dans la liste aux allures de romanfleuve de ce qu’on reproche aujourd’hui à Emmanuel Macron, la médaille d’or est parfois décrochée par le fait qu’il se présentait comme un rempart contre le Rassemblement national et apparaît plutôt, au vu des sondages d’aujourd’hui, comme un tremplin vers lui. Ou un toboggan nous entraînant vers le fameux tout bas que Marine Le Pen et Jordan Bardella, et plus seulement eux, diraient tout haut. Il serait, et l’extrême droite n’aurait cette fois-ci qu’à s’en réjouir, une frontière passoire. Sa stratégie, si le mot n’est pas trop fort, a varié du tout au tout, dédiabolisant le RN, puis le rediabolisant tout en diabolisant La France insoumise qui y a mis du sien, ne sachant plus en un mot où donner de la diabolisation et de la dédiabolisation, au point que c’est lui qui se retrouve en partie diabolisé aux yeux d’une population atterrée.
Ça fait d’ailleurs plusieurs semaines consécutives qu’Emmanuel Macron n’a pas tenu à nous faire savoir qu’il avait changé, comme s’il était désormais persuadé que ce sont les Françaises et les Français qui l’ont fait et que, peu importe cet avatar-ci ou cet avatar-là, c’est de ce pain-là qu’ils ne veulent plus. De là à trouver plus moelleux celui que leur offrirait Marine Le Pen, souhaitons que la patrie des gastronomes reprenne son goût et ses esprits d’ici à 2027, s’il faut déjà passer les élections européennes de juin par profits et déroute. Mais après tout, Marine Le Pen est toujours au plus haut, sondagièrement parlant, lorsqu’elle ne fait ni ne dit rien: c’est quand elle s’exprime que les choses se gâtent pour elle ou son parti. Espérons donc qu’elle tirera une balle dans le pied du RN en voulant montrer à Jordan Bardella et au peuple français qui est la cheffe.
Dans d’autres pays européens, ils n’ont pas Emmanuel Macron et ont l’extrême droite quand même. Ce n’est pas une glorieuse défense pour Jupiter de prétendre que les mortels ne font pas mieux que lui, ça reste un fait. D’autant que, s’il n’avait pas été là, on imagine que le troisième de la présidentielle 2022, Jean-Luc Mélenchon, se serait fait ratiboiser au second tour par Marine Le Pen. Emmanuel Macron pourra arguer qu’il a au moins fait gagner du temps, si ce n’est qu’on lui reproche précisément de nous en avoir fait perdre, avec sa lutte fantaisiste contre l’extrême droite. Et vu qu’il parvient à présider malgré tout le monde, il serait urgent de réformer la Constitution avant que le RN ne soit en position de l’utiliser à son profit. Paradoxes: si Renaissance et ses alliés avaient obtenu la majorité absolue aux législatives, la politique d’Emmanuel Macron serait moins à droite, de même que, sans la Nupes et une plantureuse France insoumise, le RN serait moins notabilisé. C’est typique de l’électeur français : il croit bien faire et il fait mal. Il serait navrant que les opérations Place nette contre les lieux de deal prennent un sens plus général et que ce soit la démocratie qui bientôt doive faire place nette au profit d’un pouvoir ne s’embarrassant plus d’une notion remontant à la Grèce antique, c’est-à-dire vieille et immigrée. Il y a mieux à reprocher à Marine Le Pen que d’avoir été copine avec Vladimir Poutine, d’autant que, de Jean-Luc Mélenchon à la droite françois fillonesque en passant par Emmanuel Macron soi-même, tout le monde a fait amiami avec le pote du Kremlin. Il faut croire que Vlad avait quelque chose de super-sympa avant de lâcher la bride à son tropisme ukrainien. Toutes proportions gardées, c’est comme Marine Le Pen et ses charmants chats. Comme quoi, si j’ai bien compris, il est impératif de différencier l’homme (et la femme) et l’oeuvre.