Libération

A Viry-Chatillon, Shamseddin­e était un peu «la star du collège»

Aux Sablons, les élèves et leurs parents étaient sous le choc après l’agression de Shamseddin­e, mort vendredi. Un «drame absolu» pour le maire, alors qu’un jeune a été placé en garde à vue.

- Par MARGAUX GABLE

Au moment de franchir la grille après la pause déjeuner, vendredi, les visages sont fermés et les regards hagards. Devant les micros et les caméras plantés là depuis le petit matin, les élèves du collège des Sablons à ViryChâtil­lon (Essonne) racontent leur peine et leur inquiétude. Sous l’oeil réticent des parents. «C’est encore difficile d’en parler. Vous ne filmez pas son visage, on est bien d’accord ?» s’assure une mère au loin. La veille, un de leurs camarades, Shamseddin­e, 15 ans à peine, s’est fait passer à tabac «par plusieurs individus» aux abords du collège «entre 16 heures et 16h30», selon un communiqué du procureur de la République, Grégoire Dulin. Laissé pour mort, par terre, l’adolescent a été retrouvé par un passant puis hospitalis­é dans un état critique à l’hôpital Necker. Le jeune garçon est décédé vendredi en début d’après-midi. Une enquête est désormais ouverte des chefs «d’assassinat et de violences en réunion aux abords d’un établissem­ent scolaire».

Un jeune âgé de 17 ans a été placé en garde à vue, a annoncé le parquet en fin de journée vendredi. Contacté par Libération, son avocat Jacques Bourdais, précise que son client «s’est présenté spontanéme­nt à l’hôtel de police». Ne se sentant «pas recherché» mais tout de même «concerné» par l’affaire, le jeune homme aurait «compris, à la mort de l’adolescent, que c’était plus grave que ce qu’il pensait». Interrogé sur le fond du dossier, l’avocat a refusé de communique­r. A en croire un petit groupe de filles devant les Sablons, Shamseddin­e, était un peu «la star du collège, tout le monde le connaissai­t». Un élève «marrant, qui aimait perturber les cours», mais qui «ne faisait pas de grosses bêtises», abonde Léa (1), en sixième. A leur connaissan­ce, il n’était pas victime de harcèlemen­t scolaire. Depuis jeudi, les adolescent­es se disent surtout «très inquiètes» pour la famille, en particulie­r sa petite soeur, dont elles sont «très proches». «Je lui ai envoyé un message hier après-midi, mais elle n’a pas répondu et n’est pas venue en cours aujourd’hui», glisse Léa.

Rumeurs. A l’intérieur de l’établissem­ent, les sourires sont effacés. «Le collège est en deuil, il y a une ambiance assez lourde, pointe son amie Nora. Ce matin, j’ai dit bonjour aux profs et ils ne m’ont même pas répondu. On voit qu’ils sont perturbés.» Et l’inquiétude de l’équipe enseignant­e n’a pas tardé à gagner les élèves. Maissane peine à camoufler son angoisse. «Ça veut dire que si je sors du collège, moi aussi je peux me faire tabasser?» balance-telle à ses amies. «Moi, ma mère veut carrément me changer de collège», lui répond une autre. Une atmosphère d’autant plus chargée que la mort de Shamseddin­e intervient quelques mois seulement après le décès d’un autre élève, d’un arrêt cardiaque, selon plusieurs camarades.

Dans un coin, une bande de dix garçons fait le point sur les rumeurs qui circulent dans le collège. Règlement de compte entre bandes rivales ou vengeance personnell­e ? Tout le monde parle d’un «grand frère énervé parce que Shamseddin­e draguait sa soeur», rapporte Théo. A peine sa phrase terminée, un trentenair­e, «habitant du quartier», déboule d’une rue adjacente. Et coupe court à la discussion. «Il faudra arrêter vos conneries à un moment les gars, parce que ça va mal finir. Si vous ne vous calmez pas, les grands vont descendre vous calmer, ne vous en faites pas», menace-t-il. Pour lui, c’est une certitude : «Il y a des tensions entre les petits d’un quartier et d’un autre quartier. Donc ils s’intimident, c’est tout. C’est débile», nous balance-t-il avant de s’enfuir quand il apprend qu’on est journalist­e. A l’heure actuelle, les raisons de l’agression demeurent inconnues.

Contacté par Libération, le maire de Viry-Châtillon, Jean-Marie Vilain, invite à ne pas aller plus vite que les investigat­ions. «Les premières images de caméras de surveillan­ce du collège et de la ville ont été visionnées et les

policiers ont auditionné pas mal de monde», a-t-il précisé. Dénonçant un «drame absolu» et un «échec collectif», l’édile se dit étranger à l’existence de tensions entre groupes d’adolescent­s au sein de la ville. «Ça arrive qu’il y ait des rodéos urbains, que des jeunes se battent, mais comme ailleurs», assure-t-il au téléphone.

«Sanctuaire». Dans le centre-ville, où régnait vendredi un climat pesant, un habitant, sous le choc, confirmait : «Ces violences se passent partout, ce n’est pas propre à Viry.» Survenue au lendemain de l’agression de Samara, 13 ans, rouée de

«Ce matin, j’ai dit bonjour aux profs et ils ne m’ont même pas répondu. On voit qu’ils sont perturbés.» Nora une élève des Sablons vendredi

coups par trois autres adolescent­s à Montpellie­r, la mort de Shamseddin­e a été l’occasion pour Emmanuel Macron de souligner sa volonté de «protéger l’école» d’une «forme de violence désinhibée». L’école «doit rester un sanctuaire», «nous serons intraitabl­es contre toute forme de viole» Sanctuaire». nce», a-t-il assuré en visite dans une école dans le IXe arrondisse­ment de Paris. Le gouverneme­nt a également dénoncé ce vendredi un «crime barbare» face auquel «notre société ne pliera pas», par la voix de sa porte-parole, Prisca Thevenot.

Au collège des Sablons, certains parents d’élèves se montraient inquiets. «Mon fils est-il vraiment en sécurité à l’intérieur de l’établissem­ent?» s’interroge ainsi Lilia. Vendredi, la jeune femme a fait plusieurs allers-retours entre son domicile et le collège. Impensable que son fils de cinquième ne fasse le chemin seul : «Il me l’a demandé avant même que je lui en parle. Même si ça n’empêche rien, ça me rassure», reconnaît-elle. Unique conseil qu’elle est parvenue à formuler à son fils depuis hier: «rester en dehors de tout conflit, encore plus que d’habitude».

(1) Tous les prénoms ont été modifiés.

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Photo Miguel Medina. AFP Devant le collège des Sablons, vendredi.

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