Clet Abraham, le maître du détournement de panneaux, était de passage à Dieppe
Il s’est joué de milliers de panneaux de signalisation dans le monde. Clet Abraham a importé son art dans le centre-ville de Dieppe il y a quelque temps. Rencontre.
Clet Abraham s’est construit une renommée internationale après avoir détourné de très nombreux panneaux de signalisation pour en faire des objets artistiques, voire humoristiques. Né en Bretagne, il réside aujourd’hui en Italie. Il n’était jamais venu à Dieppe. «Je ne connaissais pas, cette ville a du caractère ». Pendant plusieurs jours, il a fait des rues et des allées de la cité aux quatre ports son terrain de jeu.
Dieppe marquée de son art
De passage à Dieppe pour le festival de street art Spray qui se tenait les 13 et 14 juillet, il a pu ajouter la ville à son tableau de chasse. Clet Abraham se sert de son vélo comme d’une échelle pour atteindre le haut des panneaux. « C’est assez physique, il faut monter sur le vélo et rester en équilibre. Il y a une tension qui s’installe dans les jambes et les bras. Il faut en plus être précis » dit-il.
Il est armé d’une centaine d’autocollants qui sont soigneusement rangés dans son escarcelle, prêt à dégainer celui qui collera parfaitement au panneau qu’il croise. Des autocollants que l’artiste dessine et imprime lui-même, une fabrication de A à Z.
Au gré de ses envies, Clet Abraham s’attaque aux panneaux, surtout ceux décrivant un sens interdit, ses favoris. Il ne faut pas plus d’une minute et trente secondes, en moyenne, au street artiste pour apposer son style sur « ses toiles ». Le temps de sortir son matériel, de monter sur le vélo, de coller son dessin et de redescendre de son perchoir.
Mes autocollants ne détournent pas les panneaux, on arrive à les lire même avec ma touche.
Diplômé de l’école des beaux-arts de Rennes, Clet Abraham joue avec les décors urbains en fonction de son inspiration. «Il ne faut surtout pas nettoyer celui-ci», annonce-t-il au sujet d’un panneau sale qui porte des graffitis jaunes. Il a alors apposé le sticker d’un chien pour faire croire que celui-ci urine sur le panneau.
« Humaniser la règle »
Sur un autre, situé près du service pénitentiaire d’insertion et de probation, rue IrénéeBourgois, il colle un homme condamné à la guillotine, là encore une marque d’ironie.
Parfois vu comme provocateur, Clet Abraham se défend : « Mes autocollants ne détournent pas les panneaux, on arrive à les lire même avec ma touche ». L’artiste ne cherche pas à être envahissant, mais à utiliser l’objet tel qu’il est pour « humaniser la règle décrite par le panneau ».
Entre deux panneaux sens interdit, il explique que la réaction des autorités à ses actions peut être différente selon le pays dans lequel il est. « Je regrette d’avoir collé au Japon. Ils ont pris ça comme une offense et ont arrêté ma copine à cause de mon travail», indique-til. Mais dans l’ensemble, ses oeuvres sont bien comprises par les autorités.
Quand on lui demande l’endroit le plus spécial où il a pu s’exprimer, Clet Abraham hésite un peu : «La Palestine, c’est un lieu particulier. Belfast en Irlande du Nord, c’était aussi un très bel endroit pour coller ». Ses prochains projets? Clet Abraham aimerait bien étendre ses oeuvres à l’Amérique du Sud, au nord de l’Afrique ou encore à la Turquie.
New York, Paris, Rome ou encore Florence et désormais Dieppe, l’homme de 57 ans continue de partager son art à travers le monde. Si vous faites bien attention, vous verrez peut-être encore quelques-unes de ses réalisations sur certains panneaux du centre-ville.
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CLET ABRAHAM