«Nous espérons ne pas avoir à nous servir de ce que nous avons appris»
Guillaume Leguesdron est le référent situations sanitaires exceptionnelles à l’hôpital de Dieppe. Rencontre.
➜ Il s’agit de la première journée régionale de préparation aux situations sanitaires exceptionnelles, comment et pourquoi a-telle été organisée ?
C’est à l’initiative de l’Agence régionale de santé de Normandie. Elle a voulu impulser une dynamique au niveau de l’ensemble des établissements de santé de la région sur les situations sanitaires exceptionnelles (SSE), des situations qui ne sont pas courantes, mais qui, quand elles surviennent, sont déstructurantes pour l’hôpital. Elles nécessitent un minimum d’entraînement et de connaissances des procédures.
➜ Pourquoi ?
Parce que ce sont des moments au cours desquels on désorganise l’hôpital pour accueillir les victimes dans les meilleures conditions alors que le flux est saturant pour l’établissement.
➜ Comment définissezvous une situation sanitaire exceptionnelle ?
C’est assez global et cela peut prendre toutes les formes. Cela peut notamment être le déraillement d’un TER dans le tunnel de Saint-Aubin-sur-Scie avec 300 passagers et donc 300 victimes potentielles. C’est déstructurant et ça fait partie du plan AMAVI, afflux massif de victimes non contaminées. On a 300 victimes qui vont arriver en même temps, il y a en plus le lien à faire avec les sapeurspompiers, le Samu, etc.
➜ Beaucoup de victimes qui arrivent en même temps, on pense aussi aux attentats…
Effectivement, l’attentat à la bombe sale par exemple est aussi un cas de situation sanitaire exceptionnelle. Si une salle de concert est attaquée à l’arme chimique, il va falloir prendre en charge les victimes, c’est un afflux saturant. Des victimes qu’il va falloir en plus décontaminer pour que l’hôpital puisse continuer à travailler.
➜ La ville de Dieppe est entourée par deux centrales nucléaires. Y a-t-il un module de formation nucléaire dans le cadre
des SSE ?
Ça fait partie de l’ensemble des plans, nous avons un volet NRC, nucléaire, radiologique et chimique. Il y a des spécificités particulières à chaque risque, mais l’ensemble est enseigné au cours de la formation. Nous avons peut-être une appétence plus particulière pour le risque nucléaire, car nous sommes plus proches. Mais l’ensemble des établissements publics et privés se doivent d’être capables de déclencher un plan ORSAN, d’organisation sanitaire, de type NRC.
➜ La récente crise sanitaire entre-t-elle dans le cadre des SSE ?
Ça rentre dans les SSE parce que c’est un risque émergent, que l’on ne connaissait pas et il a fallu s’adapter. Il y avait des procédures qui existaient déjà, les déprogrammations par exemple ça existait avant le Covid, les plans étaient déjà établis pour ce type de risque. Dans les plans ORSAN, on a cinq plans : le NRC, le AMAVI, l’épidémique et/ou climatique et le risque émergent biologique, un virus que l’on ne connaît pas ou qui a disparu et qui revient comme la variole.
➜ Il y a aussi la partie de prise en charge psychologique n’est-ce pas ?
C’est souvent celui que l’on cite en dernier, mais ce n’est pas le moins important. Il s’agit de la prise en charge médicopsychologique des patients, mais aussi des familles et des proches. Ce sont des gens que l’on va suivre à court, moyen et long termes.
➜ Finalement, ce sont des journées au cours desquelles vous apprenez des choses dont vous espérez ne jamais vous servir…
C’est exactement ça. Les militaires ont une phrase que j’aime bien, ils disent « entraînement difficile, guerre facile ». Plus on s’entraîne, plus nous serons rodés et plus nous serons en mesure de mettre en place les mesures qu’il faut au moment où la catastrophe arrivera si elle doit arriver. Mais nous espérons qu’elle n’arrive pas.