Des consignes de l’État pour faire des économies
« Nous, médecins généralistes, nous sommes en première ligne », lance Stéphane Pertuet, membre de la Fédération des médecins de France en Normandie. Par ailleurs, il exerce à Barentin. Troubles psychiatriques, douleurs musculosquelettiques… « La grande précarité des populations vulnérables amène à prescrire plus d’arrêts de travail », ajoute le syndicaliste. «Les patientèles, entre médecins, ne sont pas équivalentes. Même au sein d’un cabinet commun.» Il serait donc impossible de comparer. « Les médecins qui prescrivent des arrêts de travail sont honnêtes», poursuit Stéphane Pertuet.
Il raconte avoir vu certains d’entre eux pleurer face aux sanctions de l’Assurance maladie, se sentant humiliés par une telle procédure « qui ressemble à un tribunal ».
La chasse aux abus
Le problème viendrait plutôt de l’Assurance maladie selon lui. Et plus particulièrement de la Caisse nationale de la Sécurité sociale qui reçoit des directives venant du ministère. En juin 2023, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, avait annoncé « faire la chasse aux abus » pour désendetter la France. Les médecins qui ne sont pas dans les clous sont donc invités à diminuer leur nombre d’arrêts de travail. Sinon, ils sont mis sous tutelle. Ce que l’on appelle une MSAP, une mise sous accord préalable. Un médecin-conseil doit valider les arrêts. « Dans 98 % des cas, ils sont entérinés », note Stéphane Pertuet. Mais la MSAP conduit à plus de manipulations administratives. Une sorte de punition mal vécue par les médecins concernés. Ils sont une quinzaine en SeineMaritime.
Dysfonctionnement du système
Le médecin de Barentin s’interroge : « Pourquoi cibler les médecins généralistes ? Les délais pour un rendez-vous chez les spécialistes sont de plus en plus longs. L’hôpital renvoie les gens chez eux avec un arrêt de trois jours alors qu’il leur faudrait trois semaines. Du coup, c’est à nous de le faire… Sans parler des médecins du travail qui se tournent vers nous pour éviter un licenciement en cas d’inaptitude du salarié. » Stéphane Pertuet pointe un dysfonctionnement général du système de santé en France.
Une logique comptable
« Il faut regarder les éléments médicaux des dossiers pour comprendre, prône-t-il.
Cette logique comptable est insupportable ! » Le syndicaliste conseille systématiquement aux médecins mis sous MSAP d’ouvrir une procédure au tribunal administratif, car
«ce n’est pas conforme au droit ».
Et d’après lui, le docteur Tribillac ne risque rien du côté du Conseil national de l’Ordre des médecins. Mais il pourrait avoir des sanctions financières de la Sécurité sociale s’il ne respecte pas la procédure.