En s’installant à Dieppe, la jeune Ukrainienne a trouvé son havre de paix
Anna Ailinchii, âgée de 30 ans, a choisi de s’installer à Dieppe il y a huit mois. Elle s’engage dans la vie locale, prend des cours de français, fait du bénévolat à DSN et s’est déjà rendue deux fois à l’Assemblée nationale. Rencontre.
«Je suis venue à Dieppe pour changer ma vie, sourit Anna Ailinchii. Je suis jeune, j’ai des diplômes, je veux saisir de bonnes opportunités. » Âgée de 30 ans, elle vient de Rivne, en Ukraine, un pays en guerre contre la Russie depuis deux ans. Un pays attaqué à coups de bombes et où les frontières ne cessent d’être remises en cause par Vladimir Poutine.
À Dieppe, elle y vient pour la première fois dans le cadre d’un échange avec le foyer Duquesne, en janvier 2023. L’association a mené de nombreuses actions pour venir en aide au Palais de l’enfance et de la jeunesse, là où travaillait la jeune femme, à Rivne. Elle était directrice de la communication et chargée des relations publiques.
Une passion pour le théâtre
Cette structure propose à 5 000 enfants des enseignements artistiques, culturels ou sportifs sur le temps périscolaire. «Parallèlement à ce travail, lors de l’invasion de la Russie, j’ai soutenu et obtenu mon mémoire de maîtrise sur la gestion des établissements d’enseignement », ajoute-telle.
Anna Ailinchii a tout de suite aimé Dieppe : «Ce n’est pas une grande ville, mais il y a des offres culturelles intéressantes comme au théâtre et au cinéma, note la trentenaire. On peut faire beaucoup de choses en famille et avec les enfants. »
La jeune femme est d’ailleurs bénévole à DSN où elle accueille le public, vérifie les billets des spectateurs lors des représentations… Et ça la rend heureuse. Elle peut aussi profiter des spectacles, elle qui adore le théâtre.
En effet, «dans mon enfance, j’ai étudié dans un studio de théâtre», racontet-elle. «Puis j’ai commencé à y travailler en tant qu’enseignante et j’ai suivi des formations théâtrales à l’université humanitaire d’État, au département de mise en scène théâtrale pendant cinq ans. J’ai également une expérience professionnelle dans le cinéma et la télévision. »
La jeune femme apprécie de découvrir les pratiques françaises dans le théâtre, « qui sont différentes de ce qui se fait en Ukraine ». Elle a pu en apprendre davantage et montrer ses talents auprès du Marilù collectif qui a monté plusieurs pièces avec des Dieppois. Notamment sur le harcèlement scolaire.
En tant que bénévole, Anna Ailinchii est assistante-metteuse en scène depuis octobre : « Ce spectacle était important pour moi, car j’ai vécu ça aussi à l’école », confie-t-elle. « Je n’ai pas eu de gros problèmes, mais j’étais différente. J’allais beaucoup au théâtre, les gens n’ont pas compris. J’avais d’autres préoccupations que celles des autres. »
Grâce à cette pièce, Anna Ailinchii a pu se rendre pour la deuxième fois à l’Assemblée nationale. La première visite, elle l’avait faite dans le cadre d’un voyage avec de jeunes Ukrainiens, l’été dernier, qui venaient en séjour de répit à Dieppe, à l’initiative du foyer Duquesne.
Un séjour qu’elle a aidé à mettre en place. Tout comme l’action à la sous-préfecture dont des trous de balle dans les murs, datant de la Seconde Guerre mondiale, ont été rebouchés avec des galets de la plage.
Promouvoir l’Ukraine
Anna Ailinchii ne parlait pas un mot de français avant d’arriver à Dieppe, mais en huit mois, elle a fait d’énormes progrès. Depuis le début d’année, elle prend des cours au centre Éducation et formation. La néoDieppoise y rencontre d’autres Ukrainiens, mais aussi des Marocains, des Arméniens…
« C’est très bien, je pratique beaucoup ! » Elle aimerait ensuite travailler avec les enfants, dans le théâtre et le secteur culturel, «comme ce que je faisais en Ukraine». Passionnée, la jeune femme va se rendre à Avignon cet été. Déjà, l’année dernière, elle avait découvert ce festival.
Bien sûr, elle n’oublie pas son pays. Sa maman vit à côté des Carpates, près de la Roumanie. La mère et la fille sont constamment en lien grâce aux nouvelles technologies. Elles peuvent se parler en étant à des milliers de kilomètres l’une de l’autre.
À Dieppe, « c’est parfois un peu dur, car je n’ai pas beaucoup d’amis, mais je fais de très belles rencontres ». En Ukraine, Anna Ailinchii avait une vie sociale riche avec des artistes qui partagent ses centres d’intérêt. Trois de ses amis ont perdu la vie à la guerre. « Des comédiens n’ont rien à faire sur le front », lance-t-elle. Mais ils étaient partis de leur gré pour défendre leur pays, sans rien connaître du milieu militaire.
Anna veut faire connaître la brillante culture de l’Ukraine, montrer qu’il y a beaucoup d’intellectuels, de musiciens et de comédiens dans ce pays. Elle aimerait pouvoir faire venir des artistes ukrainiens à Dieppe. Pour créer un lien entre son ancienne vie et la nouvelle.
❝ « J’habitais seule là-bas, ça me stressait beaucoup. C’était difficile pour moi de rester en Ukraine » ANNA AILINCHII