«La liberté d’expression n’existe pas en Iran»
Réfugié politique iranien, Jam a partagé avec émotion son itinéraire et les épreuves de son arrivée en France lors de son escale au CFA de Dieppe. Le dessinateur de presse a livré un autoportrait saisissant, dévoilant ainsi l’essence de son parcours singu
➜ Pouvez-vous vous présenter et parler de votre parcours ?
Je n’aime pas qu’on m’appelle par mon nom de famille. Mon nom d’artiste est Jam. Je suis un dessinateur iranien. J’ai étudié aux Beaux-Arts de Téhéran et j’ai travaillé pour divers titres de presse en Iran, où j’ai également été directeur artistique dans la plus grande maison d’édition du pays. En 2014, des contraintes m’ont obligé à quitter mon pays. Depuis deux ans, j’ai la double nationalité franco-iranienne. Je travaille principalement dans des médias internationaux, des médias iraniens et des médias français de temps en temps, comme France 24.
➜ Pourquoi avez-vous quitté l’Iran et comment avez-vous surmonté les difficultés rencontrées en vivant dans les rues de Paris ?
J’ai quitté l’Iran en raison de la pression exercée sur les dessinateurs de presse. La menace, la torture et la limitation de la liberté d’expression ont rendu impossible l’exercice de mon métier. De nombreux médias iraniens ont été contraints de fermer suite au régime dictatorial. La liberté d’expression n’existe pas en Iran. À mon arrivée en France en 2015, j’ai dû faire face à plusieurs mois difficiles dans les rues de Paris. J’étais tout seul, mais je dessinais beaucoup lorsque j’étais à la rue. Je faisais beaucoup de portraits, que j’ai gardés et que j’aimerais exposer plus tard.
Ce qui est fascinant avec les portraits, c’est qu’on arrive à déchiffrer chaque émotion lorsqu’on dessine le visage d’une personne. Je peux également remercier Google Translate, car la barrière de la langue a été un défi. Mais avec le temps et le soutien d’associations comme Reporters sans frontières, Maison des journalistes, la rencontre avec Cartooning for Peace, j’ai réussi à m’en sortir. Je pense aussi à l’association JRS France qui m’a permis de trouver un logement et de rejoindre mon propre réseau de dessinateurs de presse. Je suis complètement épanoui désormais.
➜ Avez-vous eu des sources d’inspiration en tant que dessinateur de presse ?
Je définis mon style comme simple et satirique. En France, j’ai été influencé par des artistes tels que Jean-Jacques Sempé et Plantu. Plantu m’a très bien accueilli lorsque j’ai rejoint Cartooning for Peace. J’ai pu lui présenter mon parcours, mais également mon style artistique. Mes premières influences remontent au 19e siècle, lorsque j’habitais et étudiais en Iran. J’étudiais sur des dessins caricaturaux iraniens de cette époque.
Il faut savoir qu’il y a eu une période en Iran où la liberté de presse a existé, cela a duré trois ou quatre ans, au moment de la Révolution iranienne en 1979. La période de transition entre les deux régimes politiques (auparavant une monarchie, désormais une République islamique) a été bénéfique pour la liberté d’expression, car les dessinateurs de presse pouvaient enfin dessiner ce qu’ils pensaient réellement. En réalité, on n’a plus jamais retrouvé cette même liberté depuis.
➜ Dans dix ans, serezvous toujours dessinateur de presse ?
Dans dix ans, j’aimerais offrir un nouveau regard sur le métier de dessinateur de presse aux nouvelles générations. Mon objectif est de partager mon savoir et de continuer à militer à travers mon art. J’ai récemment eu l’opportunité de partager mes connaissances au CFA du bâtiment de Dieppe, ce qui a été une expérience enrichissante.
Cette venue à Dieppe a été possible grâce à l’association et au CFA, qui sont entrés en contact avec moi. J’ai été choisi pour partager mon savoir et ma passion pour le dessin de presse avec les apprentis. C’est ce que je souhaite faire dans le futur.