Le Réveil Normand (Eure / Eure-et-Loir)
Le projet de parc éolien enterré
Le projet de parc éolien à Anceins est enterré en raison de plusieurs facteurs, notamment les effets sur l’espace vital des chauve-souris.
La cour administrative d’appel de Nantes a désavoué la Société d’exploitation du parc éolien du Bois Seigneur, filiale du producteur d’électricité Alterric, qui avait contesté en justice le refus du préfet de l’Orne de la laisser exploiter un parc éolien à Anceins (Orne), sur la commune nouvelle de La Ferté-en-Ouche.
Pour rappel, face à la vive opposition des élus locaux et de l’Association pour la protection du Pays d’Ouche, le préfet avait dans un premier temps fait appel au médiateur national éolien afin de consulter l’ensemble des personnes concernées par le projet et trouver un consensus.
Mais Jérôme Taillé-Rousseau - inspecteur général du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) avait conclu en défaveur du porteur du projet en raison d’atteintes à la protection de la biodiversité, du paysage et du patrimoine local.
Le préfet de l’Orne avait donc pris un arrêté le 22 juillet 2022 pour signifier son refus de délivrer cette autorisation environnementale. La Société d’exploitation du parc éolien Bois Seigneur s’était par conséquent tournée vers la cour administrative d’appel de Nantes.
Un possible « effet d’écrasement »
Le projet devait en fait s’implanter à 2,5 km du château de Villers-en-Ouche et de son domaine, inscrit aux Monuments historiques. L’architecte des Bâtiments de France (ABF) avait d’ailleurs formulé des « réserves » en janvier 2021 à cause de la « co-visibilité importante » avec ses allées.
La société requérante soutenait que le projet aurait « un impact nul » sur l’édifice. Toutefois, « les quatre éoliennes sont (...) perceptibles dans la continuité de l’entrée ouest », notent les juges nantais dans un arrêt en date du 13 février 2024 qui vient d’être rendu public.
« Si la visibilité des éoliennes (...) est faible depuis le château et ses abords immédiats, cette faible visibilité résulte seulement de l’existence de rideaux végétaux d’épaisseur variable soumis aux aléas climatiques et aux maladies et dont l’opacité varie suivant les saisons », souligne la cour administrative d’appel de Nantes. Et « les points de vue en extérieur du château montrent une co-visibilité entre les allées et le projet ».
Les éoliennes auraient également été visibles depuis les châteaux de Villeron et Resly, l’église de Saint-Laurent-du-Tencement, le bourg de la commune et l’église d’Anceins. Le préfet de l’Orne avait donc invoqué un possible « effet d’écrasement » pour motiver sa décision au vu de la « disproportion entre la hauteur des éoliennes et l’échelle des paysages naturels environnants ».
Une perte d’espace vital pour les chauve-souris
La situation géographique des éoliennes - au niveau du « point haut » du plateau - posait aussi difficulté : le projet allait s’implanter dans les « sites inscrits » des vallées de la Guiel et de la Charentonne. Un « effet d’encerclement » était aussi à redouter puisque, dans un rayon de 10 km, se trouvaient « un parc éolien existant », « un parc autorisé et non encore construit » et « un projet en cours d’instruction ».« Les deux vallées présentent des paysages préservés, des milieux naturels riches, et constituent une succession de tableaux de grande qualité », avait déjà pointé l’étude paysagère. Des « impacts modérés à forts » pourrait donc être engendrés et porter atteinte à « son caractère bucolique », confirment les magistrats nantais, relevant aussi la possible exposition de la vallée de la Charentonne à « un effet de surplomb ».Des « mesures de réduction » des risques de « collisions » avec neuf espèces de chauve-souris protégées avaient aussi été prévues par l’exploitant, mais elles sont jugées « pas suffisantes » pour empêcher de nuire à leurs « gîtes » et « zones de chasse ou de reproduction ». « La société (...) n’a pas fait réaliser d’écoutes en hauteur ni d’étude locale de fréquentation à proximité des éléments boisés », relèvent par exemple les juges nantais. La présence de ces éoliennes pourrait donc « modifier leur couloir de vol » et leur faire « perdre des terrains de chasse et des gîtes de reproduction », notamment « en période migratoire ». Le refus de délivrance de l’autorisation environnementale du préfet n’est donc entaché d’aucune « erreur manifeste d’appréciation », conclut la cour administrative d’appel de Nantes.
■ CB (PressPepper) pour Le Réveil Normand