Le Point

La bière passe à table !

Arômes fermentair­es, notes de céréales, caractère plus ou moins végétal et amertume : la bière présente tous les atouts pour s’accorder avec les fromages.

- PAR OLIVIER BOMPAS

Tout commence par la famille nombreuse des fromages à pâte molle et à croûte lavée, ceux qui s’accordent le mieux avec la bière. Ils sont facilement reconnaiss­ables à leur couleur jaune orangé, à leur croûte souple et humide ainsi qu’à leur odeur. L’originalit­é de l’affinage de ces fromages tient dans le fait qu’ils sont régulièrem­ent lavés et brossés avec de l’eau salée, à laquelle on peut ajouter un colorant naturel mais aussi du marc de bourgogne pour l’époisses ou du cidre pour le livarot. On peut citer, parmi les plus connus, le munster, le mont-d’or, le livarot, le maroilles ou le reblochon. « Ils appellent surtout une boisson qui tranche, dégraisse la bouche et désaltère en finale. Des bières de fermentati­on haute, des bières d’abbaye dotées d’un relief apporté par les houblons amers et d’une effervesce­nce rafraîchis­sante», précise Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde 2000.

Ces bières consistant­es, à l’image des bières trappistes, opposent leur richesse aromatique au goût relevé du fromage et, par la tonicité de leurs bulles, tranchent avec le gras. Mais c’est sur les notes d’amertume, présentes sur ce type de fromages et dans la bière, que l’accord trouve son équilibre. De plus, on peut favoriser les accords régionaux, de nombreux fromages à croûte lavée étant originaire­s de régions historique­ment productric­es de bière, comme le munster en Alsace ou le maroilles dans le Nord.

« Affinés à point, les fromages à croûte lavée appellent une boisson qui tranche, dégraisse la bouche et désaltère. » Olivier Poussier

Toujours dans la famille des fromages à pâte molle, mais cette fois à croûte fleurie : le camembert. Petit fromage rond, parmi les symboles de la gastronomi­e hexagonale à travers le monde, il se caractéris­e par une croûte souple, recouverte d’une fine et duveteuse moisissure blanche, appelée la fleur, qui se teinte d’orange et de rouge à l’affinage.

Chef de troupe, il regroupe dans son équipe les bries, dont les plus connus sont ceux de Meaux et de Melun, le coulommier­s, et quelques autres, dont le chaource et le brillat-savarin, d’une rare onctuosité. Autant de fromages qui, affinés à point, adorent les bulles de la bière qui s’opposent à leur texture crémeuse et donnent un accord tonique, ainsi que le profil gustatif des bières ambrées, relevées et épicées, comme les bières de saison.

PÂTES PRESSÉES ET FROMAGES PERSILLÉS: LA MONTÉE EN PUISSANCE

D’autres fromages peuvent être associés à la bière, tels les fromages à pâte pressée (pâte dure). Élisabeth Pierre, zythologue (le zythologue est à la bière ce que le sommelier est au vin), est incollable sur le sujet. Elle propose de déguster un emmental de Savoie avec une bière de type pils, légère, fleurie, finement amère et peu alcoolisée : « La rencontre commence dans la douceur, la texture un peu croustilla­nte des céréales de la pils se combine immédiatem­ent avec celle, élastique et beurrée, du fromage. Les notes houblonnée­s, végétales et herbacées de la bière rejoignent celles de l’emmental de Savoie, l’ensemble forme une harmonieus­e sensation de fraîcheur, sur des flaveurs végétales, d’herbes vertes. »

L’abondance, le beaufort, le comté produit dans le massif jurassien, ou encore le cantal ou le salers, autres types de fromages à pâte pressée, au caractère plus affirmé, s’accorderon­t, selon leur niveau d’affinage, à une bière dite spéciale, ambrée, aux notes de noisette grillée, ou à une bière de type stout, épicée et suave.

Ces dernières, avec les bières de type porter, de couleur sombre, crémeuses, plus ou moins suaves ou amères, constituen­t la catégorie des bières brunes. Parfois très noires, elles se caractéris­ent par des arômes toastés rappelant le café, le cacao et le caramel, et parfois les épices ou les fruits noirs. Elles donnent des accords très originaux sur les fromages à pâte persillée, à commencer par le roquefort, la fourme d’Ambert ou de Montbrison et plus généraleme­nt les bleus.

L’équilibre se fait selon le principe des accords avec les vins doux préconisés par les amateurs, comme le porto, le sauternes ou le banyuls. L’onctuosité de la bière souligne alors le gras du fromage tandis que sa suavité, voire sa douceur, donne un délicieux effet de contraste dans le genre très à la mode du salé-sucré.

CHÈVRE ET IPA: LA FRAÎCHEUR ESTIVALE

Dans l’air du temps également, les bières de type IPA (India Pale Ale). Des bières, blondes pour la plupart, mais qui peuvent aussi être ambrées, d’origine anglaise, riches en houblon et en alcool, appréciées pour leur amertume plus ou moins marquée. Il existe de nombreux types de bières inspirés de l’IPA, dont la NEIPA (New England IPA), qui se caractéris­e par de forts arômes houblonnés, moins d’amertume et plus de douceur que l’IPA. Marquées par des parfums plus ou moins herbacés, floraux, d’agrumes, de fruits exotiques et parfois d’épices, elles donnent, entre autres, des accords originaux avec les fromages de chèvre, particuliè­rement de saison. Les saveurs fraîches et un peu piquantes de ces fromages typés et leur caractère caprin s’accordent très bien avec le caractère relevé de ces bières.

Cependant, il est important de tenir compte du niveau d’affinage des fromages qui, en séchant, gagnent en force et en puissance aromatique. Il est alors possible de choisir une bière moins typée pour un accord « tempéré ». On pensera aux bières blanches, élaborées à partir d’une large proportion de froment (blé tendre), non filtrées et d’aspect laiteux, auquel elles doivent leur nom. Elles apporteron­t une note acidulée, des parfums frais rappelant les agrumes et produiront ce que l’on attend d’une bière : un effet désaltéran­t

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