De l’art de dompter la machine
L’intelligence artificielle peut faire peur, comme en témoigne le travail de l’artiste Hanna Mergui. Cette étudiante à Polytechnique, qui suit en parallèle les cours du prestigieux master MVA (voir Le Point n° 2667), interroge en effet sur cette montée en puissance. « J’ai choisi de représenter, dans cette oeuvre, une partie d’échecs entre un robot et un humain pour symboliser notre relation avec l’IA. Aujourd’hui, cette technologie existe, et il est crucial de l’utiliser à bon escient. Certes, certains métiers vont disparaître, mais d’autres verront le jour. N’est-ce pas le propre de l’évolution ? » estime l’artiste qui dans son interrogation s’appuie sur des photographies de Jérémy Barande. Et de poursuivre : « Dans toute révolution, il y a des zones d’ombre et de lumière. Personne ne peut affirmer avec certitude que l’IA est exempte de dangers. Cependant, le risque le plus grand serait d’ignorer cette technologie et de se laisser distancer. »
C’est toute l’ambition que s’est fixée le comité de l’intelligence artificielle qui vient de rendre un rapport au gouvernement. Coprésidé par l’économiste spécialiste de la destruction créatrice Philippe Aghion et la membre du conseil d’administration de l’École normale supérieure Anne Bouverot, il s’appuie sur des personnalités aussi différentes qu’Isabelle Ryl, la directrice de l’institut de recherche PaRis Artificial Intelligence Research InstitutE, Bernard Charlès, le président du conseil d’administration de Dassault Systèmes, le Prix Turing Yann LeCun, la chercheuse de Google Joëlle Barral, le multi-entrepreneur Gilles Babinet ou le créateur de Mistral AI Arthur Mensch. Ce rapport, qui préconise d’organiser un vaste débat avec 20 millions de citoyens, propose de faire de la France un pôle majeur de la puissance de calcul. Autre mesure intéressante, le fait de réorienter l’épargne vers l’innovation. Actuellement, trop de start-up hexagonales sont obligées d’aller lever de l’argent outre-Atlantique pour prendre leur envol. Autre recommandation encore, sans doute plus explosive : libérer des chercheurs des contraintes administratives et revaloriser leur rémunération. Le document, qui souligne l’importance des données de qualité, propose, en outre, la suppression de certaines procédures d’autorisation préalable d’accès aux données de santé. Un des mérites de ce travail collectif est d’éviter la langue de bois. On peut y lire que «les montants investis dans l’IA aux États-Unis sont ainsi 20 fois supérieurs à ceux investis en France. L’économie américaine est, certes, bien plus grande que la nôtre. Cependant, à richesse comparable, nous investissons environ trois ou quatre fois moins que les Américains ». Le président de la République pourrait d’ailleurs faire des annonces sur le sujet en juin prochain