La cathédrale du Christ-Roi dans le viseur
C’était à la fin novembre 2023. Après deux semaines de combats à Loikaw, l’armée est acculée. Les résistants ne sont qu’à quelques rues du Commandement opérationnel régional, la base d’infanterie centrale de l’État de Kayah. Sa perte provoquerait un séisme national. Il faut le défendre coûte que coûte et un complexe d’imposants bâtiments peut fournir une position fortifiée idéale : la cathédrale et les dépendances de l’évêché, un couvent, une clinique et un lycée. La convention de Genève l’interdit, l’Église s’y oppose évidemment, d’autant que 800 civils s’y sont réfugiés… Qu’importe, les fantassins de la junte ont donné l’assaut durant la nuit. Dans un communiqué à l’Agence Fidès, le média officiel du Vatican, l’évêque, Mgr Celso Ba Shwe, nouvellement nommé, a décrit ce dénouement dramatique : « L’armée birmane a tenté de prendre le contrôle de la cathédrale, tandis que nous essayions de faire comprendre aux généraux l’importance des sites religieux, en leur demandant d’épargner au moins ce lieu. Mais, dans la nuit du 26 novembre, des obus de
120 millimètres ont touché le toit de la chapelle et provoqué l’effondrement de plafonds. C’est pourquoi, pour protéger tout le monde, l’évêque et les prêtres ont décidé de quitter le bâtiment. Et juste avant qu’ils ne partent, 50 soldats sont arrivés, le 27 novembre, et ont occupé le bâtiment pour l’utiliser comme base et lieu de refuge. » L’évêque, 10 prêtres et 16 religieux doivent s’échapper en catastrophe à travers la ligne de front. Depuis, ils sont réfugiés dans des paroisses et des camps de déplacés dans la jungle et les campagnes. Si 88 % des Birmans sont bouddhistes, près de la moitié des habitants de l’État de Kayah sont chrétiens, convertis par des missionnaires catholiques et évangéliques aux XIXe et XXe siècles. Face à l’extension de la guerre civile, les prêtres catholiques ont dû évacuer 26 des 41 paroisses du diocèse.