Le Pays d'Auge (Édition Littoral)
Avant les bombardements, la vie quotidienne des civils lexoviens pendant l’occupantdion allemande (1940-1944)
Le quotidien des Lexoviens bascule en 1940, lorsque la ville passe sous commandement allemand. La Wehrmacht arrive à Lisieux le 17 juin, cinq jours avant la signature de l’armistice. De nombreuses restrictions sont dès lors mises en place.
Le 22 juin 1940, un armistice est signé entre la France et le Troisième Reich, menant à l’occupation d’une partie du territoire français – la zone nord, composée de 42 départements, dont le Calvados – par l’armée allemande. À partir de cette date, le quotidien des Lexoviens change radicalement. Mais c’est cinq jours avant l’armistice, le 17 juin, que les troupes allemandes sont rentrées pour la première fois dans les rues de Lisieux.
Une contribution à l’effort de guerre
Dans le documentaire « les ruines de l’espoir » (2014), Mauricette Firmin, née en 1930, témoigne de la vie quotidienne sous l’occupation. « Je me souviens de l’arrivée des Allemands à Lisieux. Ils ont débarqué en chantant, ils défilaient plusieurs fois par jour. Dans les haut-parleurs de la rue Pont Mortain, ils diffusaient des informations, mais c’étaient leurs informations, bien sûr ».
Occupation oblige, la maind’oeuvre locale est réquisitionnée pour contribuer à l’effort de guerre allemand. « Mon père avait été appelé pour contribuer à la conception de missiles V1 et V2 », complète Mauricette. Le Grand Hôtel de l’Espérance, célèbre établissement lexovien, devient le siège de la Kommandantur – le commandement militaire allemand – de 1940 à août 1944.
À l’époque, s’agissant « d’un sujet délicat », peu d’écrits relatèrent l’administration allemande à Lisieux. Il faudra attendre l’après-guerre pour que la parole se libère et que ressurgissent des documents et des témoignages.
Un rationnement de plus en plus strict
Comme élément de cette présence allemande, la mise en place à Lisieux, à partir de 1941, de mesures de rationnement. Dès lors, des tickets, des coupons ou des cartes « renouvelés chaque mois par la mairie », permettent de se fournir en biens de consommation courante. Les longues files d’attente devant les commerces deviennent monnaie courante. Certains civils se déplacent même de ville en ville pour tenter d’obtenir d’autres denrées.
Au fil de l’occupation, les rationnements sont de plus en plus stricts. En mai 1944, la pénurie de denrées atteint des sommets. Sur les marchés, la viande arrive de façon irrégulière.
« 30 grammes de viande par-ci, 37 grammes de pomme de terre par-là, 10 grammes de fromage en plus », les rations sont bien trop insuffisantes. Des biscuits vitaminés sont même distribués aux civils, ils sont nombreux à être sousalimentés. Une pénurie « voulue », d’une certaine manière : « concernant la viande, ce n’est pas tant qu’il n’y en avait pas, c’est que les Allemands gardaient les meilleurs bouts », estime un Lexovien de l’époque. Effet pervers de ce rationnement, le marché noir explose et est un phénomène courant.
Des loisirs grandement limités
Sous l’occupation, les loisirs étaient moindres, mais les Lexoviens continuaient à vivre tant bien que mal. Certains se réjouissaient de « simplement pouvoir jouer au foot au coin d’une rue », tandis que d’autres s’adonnaient à la lecture. Le théâtre était aussi très apprécié, permettant un rare moment d’évasion face à ce quotidien bousculé.
Un couvre-feu à l’approche du D-Day
À l’approche du Débarquement, alors que les forces allemandes sentent le vent tourner, un « couvre-feu obligatoire » est décrété à Lisieux, mais aussi dans d’autres communes du Pays d’Auge. « Il ne fallait absolument pas sortir » se remémore Gisèle Marie, une habitante de Lisieux née en 1929, « sous peine de se faire rappeler à l’ordre ».
En plus de ne pas pouvoir sortir, l’ordre était donné de fermer les volets et d’éteindre les lumières. Le but ? Éviter que la ville ne puisse trop visible une fois la nuit tombée.
Au matin du 6 juin 1944, de nombreux lexoviens furent réveillés par les bruits du Débarquement sur les côtes normandes. Un événement synonyme d’espoir et de liberté, mais qui allait aussi faire vivre aux habitants les pires heures de leur vie.