Le Pays d'Auge (Édition Littoral)
Un motard gravement blessé : le piéton est-il responsable de sa chute?
Un piéton de 66 ans était-il responsable de la grave chute d’un motard à Ablon, en 2021 ? Le tribunal de Lisieux l’a relaxé mardi.
Le choc a eu lieu vers 8 h, jeudi, sur la Départementale 613, cet axe très fréquenté reliant Lisieux à Evreux (Eure). Les deux voitures sont entrées en collision à Duranville, en sortie de ville direction Lisieux, pour une raison indéterminée. Le face à face a été très violent. Seuls à bord de leur véhicule, les deux automobilistes ont été blessés, dont un grièvement. L’un d’eux a été transporté au Centre hospitalier de Lisieux. L’autre, qu’il a fallu désincarcérer, a été évacué par hélicoptère vers le CHU de Caen. Un important dispositif de gendarmes, pompiers et et service médical d’urgence était sur place. La circulation sur cet axe a été rétablie un peu avant 11 h. Une enquête en cours devrait déterminer les causes de cet accident.
Un motard avait perdu le contrôle de son deux-roues en évitant un piéton qui traversait la rue à la sortie d’une courbe, à Ablon. Ce dernier dit avoir été surpris par les deux motos qui arrivaient « assez vite ». La victime et son cousin qui roulait à ses côtés pensent que l’homme « furax » s’était mis délibérément au milieu la chaussée.
Si, pour sa compagnie d’assurance, le motard était seul responsable, le procureur a estimé que le piéton a eu un rôle « essentiel et déterminant » dans sa chute.
Le 13 juin 2021 vers 17 h 30, un motocycliste percute un arbre après avoir évité un piéton à la sortie d’une courbe dans une zone pavillonnaire d’Ablon. L’homme de 60 ans traversait la rue pour se rendre dans un véhicule stationné en face de chez lui. Il dira avoir été « tétanisé » par l’arrivée des deux motos. L’un des motards ayant déclaré qu’il s’était planté délibérément face à eux « les bras levés et l’air furax » comme pour les arrêter, le mis en cause dit adorer la moto et ne pas être dérangé par leur bruit.
14 semaines d’ITT
Le premier motard est passé à sa droite alors que le second s’est déporté à gauche pour ne pas accrocher son cousin. Dans sa manoeuvre, il a dérapé sur du gravier et a terminé sa glissade contre un arbre. Souffrant de nombreuses fractures attestées par 14 semaines d’ITT, il n’a toujours pas repris sa profession de chauffeur routier.
Le sexagénaire a été jugé près de 3 ans après les faits pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité supérieure à 3 mois. « J’avais commencé à traverser quand ils sont arrivés assez vite», explique-t-il, précisant qu’il n’est ni suicidaire ni kamikaze. Il dit avoir entendu les vrombissements de leurs motos bien avant de les voir surgir : « J’étais pratiquement au milieu de la chaussée. Normalement ils auraient dû passer derrière moi… s’ils n’avaient pas été côte à côte. »
L’avocat de la partie civile fait observer que les pétarades d’une moto ne sont pas proportionnelles à sa vitesse et qu’elles roulaient approximativement à 40 km/h sur le tronçon limité à 30. Le représentant du ministère public et l’avocat du sexagénaire épluchent le Code de la route, dont chacun fera sa propre lecture.
Références au Code de la route
Le procureur se réfère aux articles 412-35 et 37 autorisant les piétons à traverser la route en dehors des passages qui leur sont réservés lorsqu’ils sont éloignés ou inexistants — ce qui était le cas — « en prenant les précautions nécessaires […] en tenant compte de la visibilité ainsi que de la distance et de la vitesse des véhicules ». Considérant qu’il n’a pas été établi que le deux-roues circulait à une vitesse excessive, le procureur requiert un stage de sensibilisation à la sécurité routière à effectuer dans un délai de 6 mois ou un mois de prison en cas d’inexécution.
Le conseil du prévenu cite l’article 412-9 selon lequel « En marche normale, tout conducteur doit maintenir son véhicule près du bord droit de la chaussée […] », avant de préciser que le plaignant avait acheté sa Kawasaki 1200cc 3 mois avant l’accident. Un « monstre » d’une puissance « colossale » dont la vitesse atteint 300 km/h. La trace de freinage dépassant 28 mètres, la vitesse était, selon Me Mons, supérieure à 60 km/h dans la rue limitée à 30.
Le piéton a été relaxé.