Le Pays d'Auge (Édition Littoral)
Un nouvel impôt qui fait grincer des dents
Plusieurs élus, dont certains sont chefs d’entreprise, ont montré leur opposition face à cette nouvelle taxe, qui vient s’ajouter selon eux à un contexte économique déjà compliqué. Ils dénoncent aussi l’offre de transport dans l’agglomération.
Dans une réunion qui a duré plus de quatre heures, jeudi soir, l’instauration de cette taxe est le seul point ayant suscité du débat. «Nous sommes aux portes d’une crise importante, je crois que ce n’était pas le moment d’instaurer ce versement mobilité», estime Sébastien Leclerc, maire de Lisieux, très étonné de voir que l’hôpital, plus gros employeur de l’agglomération, est aussi concerné : « Il va être très impacté, nous savons les difficultés qu’il a à équilibrer son budget… »
« Injuste ! »
«Les entreprises ont déjà vécu en 2022 la hausse de la CFE, remarque Johnny Briard, élu lexovien. Cette année, nous avons aussi mis en place la redevance spéciale sur les déchets pour les entreprises. » Jean-Paul Bourguais, maire délégué de Saint-Cyr-du-Ronceray et gérant d’une entreprise de 18 salariés, se dit « sans voix ». Selon lui, cet « impôt complètement injuste » vient s’ajouter à un contexte économique déjà tendu : « J’ai fait le calcul, entre les impôts à la source, les prévoyances, l’inflation énergétique et les taxes (redevance spéciale, eau et assainissement, et maintenant une taxe mobilité). En 2024, cela va me faire un coût supplémentaire de 152 000 €, dont 135 000 € d’électricité et de gaz. Je vais être obligé d’augmenter les prix pour ma clientèle. »
Une action en justice ?
Thierry Eustache s’est fait le « porte-parole » du Groupement des industriels lexoviens. L’élu de Lisieux a lu un courrier qui a été envoyé par les avocats du GIL à François Aubey, dans lequel ils font part de « la forte inquiétude » des chefs d’entreprise : «Alors que les entreprises souffrent terriblement du contexte économique global, l’instauration d’une nouvelle taxe d’un montant aussi conséquent est-il réellement le message que vous souhaitez faire passer aux différents acteurs locaux ? » Ils font planer la menace d’une action en justice : « Une telle décision sans concertation réelle ne peut être acceptée par le GIL, dont les entreprises adhérentes sont déjà trop lourdement sollicitées. Sans une renonciation pure et simple à ce projet avant réelle concertation, il a été pris la décision de porter ce sujet devant le tribunal administratif afin de contester les conditions de forme et de fond qui ont entouré cette décision prise brutalement. »
« Je ne vois pas de TER ou de métro »
Au vice-président Frédéric Legouverneur, qui affirmait que « c’est une taxe patronale qui ne touche pas les salariés », Thibaut De Jaegher, élu à Lisieux, répond : «Cela vient gonfler la masse salariale des entreprises, et donc grève leurs possibilités d’augmenter leurs salariés.» Lui-même chef d’entreprise, il s’interroge sur l’offre de transports dans l’agglomération : « J’ai un versement mobilité pour mon siège à Caen et pour mon établissement à Paris, mais j’ai en face un vrai service de transports en commun. Nous sommes dans un territoire où les transports en commun ne sont pas simples à appréhender et ne permettent qu’à très peu de personnes de se rendre au travail et rentrer chez eux le soir…» «Quand je regarde chez moi, je ne vois pas de TER ou de métro », souffle Jean-Paul Bourguais.
Pour contrer l’argument économique, François Aubey
rappelle qu’« en parallèle, il y a des mesures d’accompagnement de l’État pour venir
en aide aux entreprises », en faisant référence à la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : «J’ai la liste de toutes les entreprises qui sont bénéficiaires en 2023 de dégrèvements très importants. L’une d’elles, qui va être concernée par le versement mobilité à hauteur de 35000 €, est dégrevée de 138 000 €. »
« Il faut forcément dégager des moyens »
«Nous allons développer une multitude d’actions en concertation avec le GIL et toutes les entreprises », assure le président, qui assume de « leur demander un effort » : « Je comprends que ce n’est pas une décision facile, mais si on veut continuer nos investissements et apporter la mobilité sur tout le territoire, il faut forcément dégager des moyens. » La délibération a été votée avec 52 voix pour, 18 contre et 14 abstentions.