Le Figaro Sport

JO - Basket : «On était si proches de marquer l'histoire...», souffle Valériane Ayayi pour Le Figaro

- Christophe Remise

ENTRETIEN - Médaillée d'argent, l'ailière de 30 ans revient sur le parcours des Bleues, la déception et la fierté, les clés qui ont amené l'équipe de France aux portes de l'exploit.

L’exploit était là, à portée de main. Après une demi-finale épique contre la Belgique (81-75 ap), les Bleues du basket visaient à jouer les yeux dans les yeux avec l’invincible armada américaine, septuple médaillée d’or avant Paris 2024 et qui restait sur 60 victoires de rang sur la scène olympique. Une folie ? Une ambition. Et elles ont eu raison d’y croire, poussant Team USA dans ses retranchem­ents et ne s’inclinant que d’un petit point (66-67), dimanche, à Bercy. Cruel. Déchirant. Le parcours reste beau, la médaille d’argent est belle, mais la déception est encore vivace dans l’esprit des joueuses de l’équipe de France. Lesquelles joueuses ont conquis les coeurs à défaut du sacre. Retour sur la campagne des bleues avec l’une des guerrières de Jean-Aimé Toupane et du staff tricolore, Valériane Ayayi (30 ans).

Le Figaro : Quel a été votre programme depuis la finale, dimanche, à Bercy ? Valériane Ayayi

: Beaucoup de choses... On a enchaîné avec la cérémonie de clôture au Stade de France dimanche soir, avant de filer au Club France, où on est restées jusqu’à tard... ou tôt, ça dépend le point de vue (sourire). On est passées au village olympique pour quelques heures et on est reparties tôt lundi matin pour des réceptions avec les partenaire­s avant d'avoir la chance de monter tout en haut de la Tour Effel, avec l'équipe masculine d'ailleurs, pour prendre de très belles photos. On est rentrées en fin d'après-midi à l'Insep pour une petite réception avant de se quitter, ce mardi.

Comment avez-vous vécu la cérémonie de clôture ?

Un moment spécial. On était la dernière épreuve, le dernier sport, la dernière médaille, c'était aussi pour nous un symbole, pour bien clôturer notre tournoi. On l'a fait en équipe mais on avait à coeur de vite retrouver le Club France pour célébrer avec nos proches et les fans. C'était cool.

Depuis la finale, vous avez sans doute reçu de nombreux messages de félicitati­ons, d'amour peutêtre, ce qui a pu vous aider à passer outre la déception...

Oui, on a reçu énormément de messages, et même certains qu'on se partage sur le groupe qu'on a avec les joueuses. Des messages dans lesquels les gens sont fiers et nous parlent d'inspiratio­n, d'amour, de passion. Ce sont les valeurs qu'on avait envie de montrer et de partager, celles de notre équipe. Le fait qu'elles aient pu être transmises, qu'on nous dise que plusieurs jeunes filles seront dans les salles de basket en septembre, c'est une vraie réussite pour nous. Après, la déception est encore là. Perdre une finale d'un point, être si proches de marquer l'histoire... Cette équipe américaine était sur un grand nombre de médailles d'or olympiques. Ça aurait été incroyable d'être l'équipe qui les aurait fait tomber. C'est frustrant. On va digérer, ça va passer, mais c'est vrai que c'est réconforta­nt et ça fait du bien de voir les personnes dans la rue qui nous disent : «Vous nous avez fait rêver, vous avez été incroyable­s, vous vous êtes battues, on y a cru jusqu'au bout, on était avec vous». Même si notre âme de compétitri­ces garde un peu cette déception.

Une âme de compétitri­ce qui vous a amené à dire, avant la finale, que vous vouliez regarder ces Américaine­s les yeux dans les yeux, sans peur...

Oui. Avant le début de la compétitio­n, on s'était concertées pour savoir ce qu'on voulait faire. Et on voulait l'or. En accédant à la finale, on savait que le travail n'était pas terminé. On savait aussi qu'on avait les armes pour embêter cette équipe des États-Unis. On les a fait douter, déjouer. À la limite, on est au point de se demander si ça n'aurait pas été moins dur, plus facile à encaisser, si on avait perdu de 10 ou 12 points...

La clé, c'était la défense face à ces joueuses ?

On savait qu'on devait s'appuyer sur ça. C'était aussi l'identité que Jean-Aimé Toupane nous a donnée depuis le départ. C'était donc important pour nous de montrer cela.

Comment décririezv­ous ce qui fait l'identité de cette équipe ?

Ce qu'on a l'habitude de dire, c'est qu'on est une bande de copines, qu'on est fortes, puissantes et qu'on a cette résilience et cette envie de gagner tout le temps. C'est pratiqueme­nt le même groupe que celui qui avait disputé le TQO en Chine (à l'exception d'Alix Duchet, forfait et remplacée par Leïla Lacan, NDLR).

Un TQO en forme de point de départ pour ce groupe ?

Quelque chose s'est créé à cette occasion, notre groupe est spécial. C'est peut-être le premier tournoi, les premiers matchs, où on a pris conscience de ce que le staff demandait et avait en tête pour nous. Une fois qu'on l'a intégré et qu'on a vu que ça fonctionna­it, à quel point on pouvait être fortes, ça a été un vrai tournant, un vrai lancement pour nous.

Quelles sont les images que vous gardez de la campagne et des JO ?

Les Marseillai­ses devant les 27.000 personnes au stade PierreMaur­oy

de Villeneuve d'Ascq, c'est incroyable, ça donne des frissons et ça motive, c'est une source d'énergie. Après, il y a eu plein de choses, par exemple les réussites des autres athlètes, Léon Marchand, l'équipe de France de judo, ça a été des moments vécus en équipe et qui nous ont permis de savoir pourquoi on le faisait : on avait envie de réussir comme eux. On s'en nourrit. Et surtout nous, un sport collectif avec une compétitio­n longue. Voir les gens qui ont des médailles, ceux qui avancent, qui gagnent, on se disait qu'on allait fermer les JO, qu'on était la dernière épreuve, le dernier sport, personne n'attendrait plus longtemps que nous, on se disait simplement qu'on avait aussi envie de vivre ces émotions. Les Jeux ont donc été forts en émotion pour tout le monde et plus il y avait de médailles, plus on avait envie de participer à la fête.

La compétitio­n est longue, mais la préparatio­n l'a été aussi, dès le 6 juin...

Oh oui, interminab­le (rires). On a eu une longue préparatio­n mais on savait que pour réussir quelque chose qu'on n'avait jamais fait, il fallait faire des efforts différents de nos habitudes. C'est ce qui s'est passé. Ça a été une prépa difficile. On en parlait encore après la finale avec le préparateu­r physique, on disait que c'était dur... On a galéré, mais on était ensemble et le staff nous disait que c'était maintenant qu'on construisa­it la force qu'on aurait pendant la compétitio­n. On est contentes car ça a payé.

Parmi les moments forts de votre tournoi, il y a cette demi-finale folle contre la Belgique...

Le plaisir était total. Le scénario fait qu'on était devant au départ, elles reviennent, elles repassent devant, on revient... C'était totalement dingue ! Et puis il y avait un passif avec l'équipe belge (défaite face aux Belgian Cats l'an dernier en demies de l'Euro, NDLR). Tout était réuni pour que ce soit une belle fête. Et on n'avait pas envie de la gâcher. Cette victoire nous tenait à coeur.

Quel bilan tirez-vous de la campagne à titre individuel et comment définiriez-vous le rôle que vous avait assigné le staff ?

C'est très simple : j'étais la joueuse la plus expériment­ée en termes de sélections, donc il fallait que ça se voit, que je puisse avoir un impact sur le terrain et en dehors. J'avais un rôle important dans le leadership et pour amener ce dont l'équipe avait besoin sur le terrain, des points, de la défense, des passes, ça dépendait. C'était un rôle complet,

qui m'a demandé énormément d'énergie, mais à la fin je me sens récompensé­e. Si je me base sur les retours de mes coéquipièr­es et de mon staff, et c'est important pour moi, ça me montre l'importance qu'on m'a donnée dans ce groupe, mon rôle a été bien rempli et il a apporté à l'équipe. Maintenant, on peut toujours faire mieux, sachant qu'on n'a pas atteint notre objectif.

Que vous inspire la retraite

internatio­nale de Sarah Michel Boury, votre «binôme» et votre «meilleure amie» comme vous l'aviez dit à Bercy ? Ça va faire un vide... On ne sait pas de quoi l'avenir sera fait maintenant que Sarah va quitter l'équipe de France. Plus que sur le terrain, c'est sa force et sa sérénité, ses mots, son intelligen­ce, sa personne qu'elle apportait au sein de l'équipe. Ça va énormément manquer. Elle créait du lien entre le staff technique et les joueuses. Celles qui auront en charge de prendre le relais, bon courage, parce qu'il y aura du travail par rapport à ça...

Il est fort possible que vous fassiez partie des joueuses qui vont s'y coller...

Dans le leadership, oui. Après, le rôle de capitaine et les leaders de l'équipe, ce n'est pas toujours la même chose. On verra, on n'y est pas encore et ce ne sont pas du tout des discussion­s qu'on a à l'heure actuelle. Mais j'ose penser que dans le rôle de leader, mon nom continuera à être entendu (sourire).

Les médailles ne vont pas tomber toutes seules à l'avenir, mais cette campagne, avec un groupe très jeune, est prometteus­e pour la suite en équipe de France...

Oui. Alors c'est bien de rappeler que les médailles ne vont pas tomber toutes seules, ce sera important de continuer à travailler et à évoluer parce que les autres vont le faire aussi. Maintenant, en effet, ça donne du bon de se dire que ce groupe, qui a fait ce résultat, est jeune. Mis à part Sarah qui arrête, la plus âgée avait 31 ans. Il y a de la suite, ça va continuer, mais il faudra continuer à travailler. Mais je suis contente d'avoir vécu cette aventure avec ces filles parce qu'elles ont vu ce que ça nécessitai­t, elles ont vu les efforts qu'il faut produire pour aller chercher une médaille olympique. Ça leur a donné faim aussi. Ce n'est que du positif pour la suite.

 ?? Evelyn Hockstein / REUTERS ?? Après être passées si proche de leur rendez-vous avec l’histoire, Valériane Ayayi et ses coéquipièr­es auront besoin de temps pour digérer. 
Evelyn Hockstein / REUTERS Après être passées si proche de leur rendez-vous avec l’histoire, Valériane Ayayi et ses coéquipièr­es auront besoin de temps pour digérer. 

Newspapers in French

Newspapers from France