Le Figaro Sport

Tour de France : Florence, Copenhague, Berlin Ouest … la petite histoire des Grands Départs depuis l'étranger

- Orlando Vinson

La Grande Boucle va s’élancer samedi de Florence pour le 25e départ au-delà des frontières françaises, avant Barcelone en 2026. Retour sur les Grands Départs depuis l’étranger, entre marketing et politique.

Le Tour de France a fait du chemin depuis le premier Grand Départ à l’étranger dans les rues d’Amsterdam en 1954. 70 ans plus tard c’est au tour de Florence d’être l’hôte des premiers coups de pédales des coureurs qui se disputeron­t le premier maillot jaune à Rimini, la ville où Marco Pantani, vainqueur de la Grande Boucle, s’est éteint en 2004. Le premier départ en Italie, terre de nombreuses légendes transalpin­es sacrées sur le Tour.

Tout un symbole pour les organisate­urs qui ont multiplié les départs hors des frontières françaises depuis les années 2010 : il y a eu 9 départs depuis l’étranger sur les 15 dernières éditions. Une décision marketing pour Amaury Sport Organisati­on (ASO), propriétai­re du Grand Tour, qui tire des revenus considérab­les de cette exposition internatio­nale puisque le Tour de France représente près de 50 % du chiffre d'affaires annuel du groupe, qui possède le journal L’Équipe.

Troisième événement sportif le plus suivi dans le monde, derrière les Jeux olympiques d’été et la Coupe du monde de football, le Tour de France est retransmis en direct dans plus de 190 pays pour 2 milliards de téléspecta­teurs. Une vitrine exceptionn­elle pour les villes étapes profitant surtout aux pays frontalier­s, qui ont accueilli la majorité des départs en dehors des frontières (7 pays sur 11). C’est le cas de la Belgique avec 5 départs (un record partagé avec les Pays-Bas).

Un rôle politique

Ce sont ces deux derniers qui ont accueilli les deux premiers départs en dehors des frontières après une écrasante majorité de départs depuis Paris. La fin d’une tradition qui marquera l’ouverture de la Grande Boucle à l’Europe, fournisseu­r de grands champions à l’instar des Italiens (Gino Bartali, Fausto Coppi) ou des Suisses (Ferdi Kübler et Hugo Koblet) à la fin des années 1930 jusque dans les années 1950. Pourtant, le premier départ d’Amsterdam s’est fait à marche forcée après l’apparition la même année du Tour d’Europe à l’initiative du journalist­e Jean Leulliot.

Un concurrent pour la Grande Boucle, qui oblige Jacques Goddet, patron du Tour, à prendre le départ depuis l’étranger. Puis, L’Équipe a racheté le Tour de l’Europe avant que la course ne disparaiss­e deux ans plus tard. Les années 1950 voient aussi l’arrivée de la télévision avec la première retransmis­sion en direct du Tour en 1958. Un tournant avec une internatio­nalisation de la course suivie par de plus en plus de téléspecta­teurs et un peloton qui représente de nombreux pays.

Mais le départ de l’étranger a aussi un rôle politique à l’image de Berlin Ouest en 1987. Pendant trois jours, la ville coupée en deux entre l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est, symbole de l’affronteme­nt entre le bloc de l’Ouest et de l’Est, a été le théâtre d’une fête aux antipodes des tensions géopolitiq­ues. «La présence du Tour à Berlin, c'est une grande symbolique. C'est la présence d'une manifestat­ion itinérante qui a pour essentiel de se balader sur les routes, de vagabonder et qui prouve ainsi que Berlin est aussi une ville libre et ouverte», avait déclaré Jacques Goddet comme le rapporte France Info . Deux ans plus tard, le mur de Berlin tombera et marquera le début de la réunificat­ion de l’Allemagne.

Plus de 10 millions d’euros

Une symbolique qui s’est transformé­e au fil des décennies et qui permet aujourd’hui au Tour de s’ouvrir à d’autres marchés, comme en 2014 avec le départ d’Angleterre en pleine domination du local Christophe­r Froome, puis en 2022 avec le Danemark, qui verra le premier sacre de Jonas Vingegaard, porte-étendard du cyclisme danois.

Et ces Grands départs de l’étranger sont devenus essentiels pour attirer les spectateur­s du monde entier au bord des routes et devant la télévision. Mais aussi pour gagner plusieurs millions d’euros, car les villes étrangères qui accueillen­t les départs peuvent débourser jusqu’à 12 millions d’euros, comme ce fut le cas pour Bilbao en 2023. Un chiffre bien au-dessus du ticket d’entrée pour les communes françaises, qui se situent plutôt entre 80 000 et 130 000 euros pour un départ ou une arrivée.

Un investisse­ment très important qui pourrait refroidir de nombreuses communes. Et pourtant, les retombées économique­s sont souvent au rendez-vous à l’image de Bilbao, avec une retombée de plus de 100 millions d’euros pour le Pays basque, selon le ministre de la Culture du gouverneme­nt basque Bingen Zupiria.

Toutefois, un départ en dehors des frontières européenne­s n’est pas encore d’actualité. Le directeur de la course Christian Prudhomme, comme il l’a confié à l’AFP, ne l’envisage pas (encore), pour des raisons évidentes :

«Il y a bien sûr des limites, je nous vois mal aller à plus de 700 ou 800 kilomètres des frontières françaises.»

 ?? Vincent Kalut / Photo News / Panoramic ?? Le départ du Tour de France avait eu lieu à Bilbao (Espagne) en 2023.
Vincent Kalut / Photo News / Panoramic Le départ du Tour de France avait eu lieu à Bilbao (Espagne) en 2023.

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