Quand la BD mêle intelligemment football, histoire et politique
Diego Maradona, Justin Fashanu, Julius Hirsch, Megan Rapinoe… À travers sa bande dessinée Transversale, Robin Walter retrace le destin, aussi bouleversant qu’inspirant, de personnalités plus ou moins connues du ballon rond.
Alors que des Kylian Mbappé ou des Marcus Thuram n'ont pas hésité, ces derniers jours, à prendre position politiquement, il est particulièrement intéressant de se replonger dans l'histoire du football pour se rendre compte que les deux attaquants français ne sont pas des précurseurs en la matière. Même si malheureusement, trop ont été oubliés au fil du temps, ou n'ont pas eu le même retentissement. Il en va ainsi de Justin Fashanu, un footballeur noir anglais qui, en 1981, avait été transféré de Norwich City à Nottingham Forest pour un million de livres sterling, un record à l'époque. Mais au-delà de ce montant, Fashanu reste surtout comme le premier footballeur à avoir fait son coming-out publiquement en 1990. Victime ensuite d'homophobie, il s'est suicidé le 2 mai 1998 à l'âge de 37 ans.
Un destin tragique que retrace Robin Walter dans sa bande dessinée Transversales (Éditions En Exergue), qui se trouve être un recueil de plusieurs histoires publiées sur le site Ernestmag.fr.
On y retrouve aussi celle du résistant Rino Della Negra, membre du groupe Manouchian, de la star allemande Julius Hirsch, victime de la Shoah, de Megan Rapinoe qui a oeuvré pour une meilleure reconnaissance du football féminin, ou encore l'histoire d'Eugène Maës, la première star des Bleus, mort dans le camp de concentration de Dora... Sans parler de l'immigration française vue à travers le prisme de l'équipe de France. Autant de sujets tristement d'actualité même si le projet est bien antérieur à l'actualité récente. «J'avais réalisé un double album, Prolongations, publié aux éditions Des ronds dans l'O en 2014 et 2015 (et réédité en intégrale en 2022)», nous confie l'auteur. «L'idée était de montrer l'importance du football dans notre quotidien, de montrer qu'on pouvait parler de la société par ce prisme.»
Un angle qui lui demande forcément un important travail de documentation. «Au fil du temps, j'ai accumulé pas mal de documents, livres, articles sur de nombreuses histoires que je connaissais plus ou moins. Je continue d'en découvrir régulièrement. J'ai également des lecteurs d'Ernest qui m'en présentent des nouvelles. Après, c'est 3 à 4 jours de travail. Je ne peux pas trop me permettre de prendre davantage de temps, je ne veux pas que cela déborde sur mes autres projets qui, eux, demandent 2 à 3 ans de boulot. Mais cette parenthèse mensuelle est un réel plaisir et j'espère que tous ceux qui découvriront ces récits dans Transversale, prendront autant de plaisir.»
Parmi les histoires qu'il a découvertes en travaillant sur ce projet, Robin Walter cite spontanément celle de «Julius Hirsch, j'ai découvert son nom grâce à la Fédération allemande qui a donné son nom à un prix contribuant à renforcer les droits de l'homme. Il est l'un des grands attaquants allemands du début du XXème siècle, dont la carrière a été gâchée par la Première Guerre mondiale et qui a été victime de la Shoah lors de la Seconde. Passionné d'Histoire et de football, c'est un réel plaisir que de découvrir de nouvelles histoires.» Un plaisir qu'il parvient à partager avec son lecteur, grâce à la finesse et la précision de ses dessins, sa capacité à faire revivre des pans d'histoire et la force des sujets choisis qui rendent un magnifique hommage à un sport souvent décrié, à tort.