Le Figaro Sport

Tacle «aux extrêmes», message «à la jeune génération» : Kylian Mbappé, un patron qui assume son statut

- Christophe Remise

HUMEUR - Qu'on soit d'accord ou pas sur le fond, force est de constater que le capitaine des Bleus est digne de la tribune que son statut lui confère. Taulier.

«Kylian Mbappé est contre les extrêmes». Sans surprise, le capitaine de l'équipe de France n'a pas manqué d'être questionné sur la crise politique qui secoue la France depuis les élections européenne­s dimanche, en veille de cet Autriche-France qui lancera la campagne des Tricolores à l’Euro 2024. Tous les Bleus qui se sont présentés devant la presse depuis ce coup de tonnerre dans les urnes y ont eu droit. Certains ont donné un message convenu, appelant simplement les électeurs à voter le 30 juin et le 7 juillet, aux législativ­es. D'autres ont été beaucoup plus discrets, ne souhaitant pas s'aventurer sur ce terrain potentiell­ement glissant.

Comme on pouvait l'imaginer, Marcus Thuram a été plus loin vendredi. Il n'est pas le fils de son père pour rien. Le joueur de l'Inter s'est positionné contre l'extrême droite. «Il faut se battre pour que le RN ne passe pas», a-t-il indiqué, quelques heures avant la parution d'un communiqué de la FFF rappelant «sa neutralité en tant qu'institutio­n, ainsi que celle de la sélection nationale dont elle a la responsabi­lité. Il convient à ce titre d'éviter toute forme de pression et utilisatio­n politique de l'équipe de France».

Mais Mbappé, c'est à part. Ça l'a toujours été. Et le néoMadrilè­ne a encore marqué sa différence dimanche face aux journalist­es, à Düsseldorf, lui qui aspire à «marquer l'histoire» de son pays, de son sport, et qui ne veut «pas se cacher», ni sur le ter

rain, ni en dehors. Rappelons que le capitaine n'a aucune obligation de s'exprimer en veille de match. Hugo Lloris le faisait systématiq­uement ces dernières années, mais c'était un choix de l'ancien portier des Bleus et de la FFF. Attendu au tournant, «KM» n'avait aucune intention de se planquer. En première ligne, sur le terrain et en dehors.

Plus à perdre qu’à gagner

En substance, Kylian Mbappé a évoqué «un moment crucial dans l'histoire du pays», s'inquiétant de voir «les extrêmes aux portes du pouvoir». Quels extrêmes ? Tous. Pas seulement à droite. «Si je différenci­e les extrêmes ? Non, car ce sont des idées qui divisent. Je suis pour les idées qui rassemblen­t», a-t-il expliqué, lui qui voulait «s'adresser au peuple français, à la jeune génération» et marteler son attachemen­t à un certain nombre de valeurs, «tolérance, mixité et respect» en premier lieu, la «liberté d'expression» aussi.

Mbappé, le sportif 3.0, les idées claires, les mots ciselés, une tête bien faite. Qu'on soit d'accord ou non avec ses opinions, le désormais exjoueur du Paris Saint-Germain se montre, lui, digne de la tribune qui lui est offerte de par son statut de superstar. Ce n'est pas forcément le cas d'autres sportifs, artistes et personnali­tés publiques de tous bords qui sont incapables de s'exprimer avec une telle aisance, un tel sang-froid. Et dont les idées ne sont pas forcément bonnes à être connues et colportées. Ce n'est pas le tout de parler. Encore faut-il avoir des choses à dire. Qu’on soit d’accord ou non avec lui, le débat n’est pas là. Chacun est libre de trancher à ce sujet. En fait, Mbappé avait plus à perdre qu’à gagner en donnant son opinion, pas celle du capitaine des Bleus, pas celle de la nouvelle star du Real Madrid, l’idole des jeunes et un produit marketing ultrabanka­ble. Il n’a pourtant pas hésité à le faire. Parce qu’il jugeait avoir son mot à dire. «J'espère qu'on fera le bon choix et qu'on sera encore fier de porter ce maillot le 7», a encore expliqué le natif de Paris, qui ne s'est sans doute pas fait que des amis avec cette sortie qui tranche, alors qu'une partie du sport français se mobilise contre l'extrême droite.

Pour être très honnête, le nombre de questions portant sur les législativ­es était sans doute trop important dans les conférence­s de presse de l'équipe de France ces derniers jours. Tous les joueurs n'ont pas la même liberté de ton, la même aisance, la même appétence que Mbappé pour s'exprimer. Ça se respecte aussi. Ça se comprend. Une chose est sûre : pour celles et ceux qui en doutaient, l'ère Hugo Lloris est bel et bien terminée. La capitaine des Bleus a changé, le discours aussi, virage à 180°. «Je serai un capitaine différent», avait affirmé l'intéressé lors de sa première prise de parole en tant que détenteur du brassard tricolore, en mars 2023. Et d'ajouter, un brin agacé lorsqu'on lui avait demandé s'il conservera­it la liberté de ton qui a souvent été la sienne devant les micros : «Pourquoi voulez-vous que ça change ?». Promesse tenue.

 ?? AFP / FREDERIC SCHEIDEMAN­N ?? Kylian Mbappé a affiché une position aussi claire que forte dimanche.
AFP / FREDERIC SCHEIDEMAN­N Kylian Mbappé a affiché une position aussi claire que forte dimanche.

Newspapers in French

Newspapers from France