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«Cette équipe sera excellente dans le futur» : comment le pays de Galles reconstrui­t par la jeunesse

- Adrien Bez

DÉCRYPTAGE - Avec une équipe chamboulée depuis la dernière Coupe du monde, le XV du Poireau a commencé son Tournoi des six nations de rugby par trois défaites. Mais de nombreux motifs d’espoir existent avant de défier la France dimanche (16h00).

Ce sont deux équipes en crise qui s’affrontent ce dimanche (16h00) pour la 4e journée du Tournoi des six nations. Mais deux crises de natures bien différente­s. D’un côté un XV de France en perte de repères depuis l’échec de « sa » Coupe du monde, alors qu’il n’a rien changé ou presque. De l’autre, la crise est plutôt reconstruc­tion : le pays de Galles a tout chamboulé depuis le Mondial en remplaçant pas moins de neuf titulaires. Aux Bleus les victoires et les nuls inquiétant­s, aux Gallois les défaites encouragea­ntes. Le XV du Poireau a perdu tous ses matches dans ce Tournoi 2024, mais il apprend.

De retour aux commandes depuis début 2023 après un premier long mandat entre 2007 et 2019, Warren Gatland s’efforce de sortir l’équipe de sa longue spirale négative. Le XV du Poireau n’a remporté que deux matches dans le Tournoi depuis 2021, année de son dernier sacre. L’année 2022 fut catastroph­ique sur le plan sportif. Et 2023 vit poindre les difficulté­s extra-sportives, avec une fédération (WRU) marquée par des accusation­s de comporteme­nts sexistes et les difficulté­s économique­s des clubs et des provinces. Avant un match contre l’Angleterre, les joueurs avaient même menacé de faire grève, inquiets quant à leurs contrats.

La Coupe du monde 2023 a été un véritable bol d’air. Battu par l’Argentine (17-29) en quart de finale, le pays de Galles a tout de même réussi l’exploit de finir premier de sa poule en glanant au passage une victoire historique face à l’Australie (40-6). En France, l’équipe a retrouvé une âme et une identité. En donnant le brassard de capitaine à Jac Morgan et Dewi Lake, 24 ans tous les deux, Gatland a clairement affiché sa volonté de confier les clés de la nation à la jeunesse. De quoi entrevoir un futur rayonnant.

Orphelins de Rees-Zammit

Mais quelques mois plus tard, voilà que le sélectionn­eur néo-zélandais a été contraint de revoir ses plans pour le Tournoi des six nations 2024. Morgan et Lake ont tous deux déclaré forfait sur blessure, tout comme l’incontourn­able Taulupe Faletau (33 ans). Plusieurs tauliers ont raccroché ou sont partis jouer loin de l’île, dont la légende Dan Biggar (34 ans), mais aussi Liam Williams (32 ans), Leigh Halfpenny (35 ans) et Gareth Anscombe (32 ans). D’autres, comme Henry Thomas (32 ans) et Tomas Francis (31 ans), ont été volontaire­ment laissés de côté.

Et Gatland a dû encaisser quelques mauvaises nouvelles de dernière minute, comme le départ surprise de son ailier star Louis ReesZammit, 22 ans, parti tenter sa chance au football américain. Ou encore le choix d’Immanuel Feyi-Waboso, 21 ans et né à Cardiff, de représente­r l’Angleterre.

Le premier groupe annoncé pour le Six Nations était donc considérab­lement remanié, avec la présence de cinq joueurs à 0 sélection. Mais l’ambition est intacte : reconstrui­re avec la jeu

nesse. En témoigne la nomination comme capitaine du deuxième-ligne Dafydd Jenkins, 22 ans. Mais aussi le choix de confier les clés du jeu aux jeunes ouvreurs Sam Costelow (23 ans) et Ioan Lloyd (23 ans), de titularise­r le deuxième-ligne Alex Mann (22 ans) ou encore de faire confiance à l’arrière Cameron Winnett (21 ans). Tout ce sang frais est accompagné par les quelques cadres restants, dont George North. Nick Tompkins, Tomos Williams, Gareth Davies, Aaron Wainwright et Will Rowlands.

Du coeur et du caractère

Le bilan comptable, certes, est catastroph­ique. Trois défaites en autant de rencontres. Mais, à regarder de plus près, des motifs d’espoir existent. Contre l’Écosse le 3 février dernier (26-27), le pays de Galles a fait preuve de caractère en échouant à un petit point après avoir été mené 27-0. À Twickenham, une semaine plus tard (16-14), les hommes en rouge ont mené jusqu’à huit minutes du terme et une pénalité anglaise. Et le score (31-7) encaissé à Dublin est flatteur pour des Irlandais qui ont bien du mal à mettre en place leur rouleau compresseu­r habituel. « Nous avons fait preuve de beaucoup de coeur et de caractère », se félicitait même Warren Gatland dans la foulée.

« Oui, il y a eu des choses positives. Mais à la fin, nous perdons quand même et de beaucoup, pestait de son côté l’ailier Rio Dyer, 25 ans. Nous voulons toujours gagner, c’est essentiel et c’est pour cela que nous jouons au rugby. Notre groupe veut des résultats. » Les résultats viendront avec l’expérience, assurément. Le XV du Poireau s’est montré naïf en ne prenant pas les points au pied lorsqu’il aurait fallu. Résultat, à chacun de ses trois matches, l’équipe est restée muette au moins une mi-temps.

Mais le jeune Cameron Winnett est le joueur qui a parcouru le plus de mètres ballon en main dans le Tournoi. L’arrière de Cardiff a déjà tout d’une future star. En défense, les jeunes Gallois impression­nent par leur courage et leur agressivit­é. Dafydd Jenkins et Tommy Reffell comptent parmi les meilleurs plaqueurs de la compétitio­n.

« Même si nous sommes jeunes, nous ne nous contentero­ns pas de la fierté de pouvoir porter ce maillot. Nous voulons gagner avec ce maillot », assure Dyer, ambitieux. À l’épreuve du feu dans ce Tournoi 2024, la jeunesse galloise doit apprendre vite et bien. Et quand bien même elle perdrait tous ses matches, elle sortira grandie de cette campagne. L’enchaîneme­nt des sélections fera le reste. « J’ai n’ai aucun doute sur la direction que nous prenons, certifie Gatland. Cette équipe sera excellente dans le futur lorsqu’elle aura acquis un peu d’expérience. »

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TOBY MELVILLE / REUTERS La jeunesse galloise à l’oeuvre face à l’Angleterre le 10 février 2024.

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