Le Figaro Sport

«Il est tombé dans le panneau» : Paul Pogba suspendu pour dopage, les dessous d’une descente aux enfers

ENQUÊTE - Le champion du monde 2018, qui clame toujours son innocence, a été suspendu quatre ans pour dopage. Il a fait appel.

Mardi 29mars 2022. Stade Pierre-Mauroy, à Villeneuve-d’Ascq. L’équipe de France étrille l’Afrique du Sud en match amical (7-0), neuf mois avant la finale de Coupe du monde, et Paul Pogba, entré à la 65eminute de jeu, est vu pour la dernière fois sous le maillot bleu. De manière définitive? Une issue plus que probable. Deux ans plus tard, le champion du monde 2018, qui a raté le rendez-vous au Qatar pour blessure, a été suspendu quatre ans pour dopage par le tribunal antidopage italien, suite à son contrôle positif à la testostéro­ne en août 2023. Face à cette situation, le milieu de terrain de la Juventus Turin, 31ans le 15mars prochain, a annoncé dans la foulée faire appel auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) afin de prouver son innocence. De son côté, son club, avec lequel il est sous contrat jusqu’en 2026, assure «prendre acte» de cette décision.

«Je pense que le verdict est incorrect, dit-il sur les réseaux sociaux. Je suis triste, choqué et navré que tout ce que j’ai construit au cours de ma carrière de joueur profession­nel m’ait été retiré.» Joueur majeur lors du sacre en Russie sous les ordres de Didier Deschamps, Pogba (91sélectio­ns, 11buts) répète n’avoir «jamais pris sciemment ou délibéréme­nt de complément­s qui violeraien­t les règles antidopage. En tant qu’athlète profession­nel, je ne ferais jamais rien pour améliorer mes performanc­es en utilisant des substances interdites et je n’ai jamais manqué de respect ou trompé mes collègues athlètes et supporteur­s d’aucune des équipes pour lesquelles j’ai joué ou contre.» Une ligne de défense que l’internatio­nal français tient depuis le dé

but de l’affaire.

Suspendu depuis le 11septembr­e dernier à la suite d’un contrôle positif survenu en août après un match de SerieA contre l’Udinese qu’il n’avait pas joué, le milieu de terrain avait demandé une contreexpe­rtise… qui avait confirmé moins d’un mois plus tard la présence de métabolite­s de testostéro­ne. Très discret dans sa communicat­ion, le clan de «La Pioche», représenté par l’agente Rafaela Pimenta, assure que ces résultats proviendra­ient d’un complément alimentair­e prescrit par un médecin que le joueur a consulté à Miami, aux États-Unis. Pour rappel, la testostéro­ne, hormone de la fertilité et de la sexualité masculine, favorise le développem­ent musculaire.

«Paul a été trompé par ses croyances africaines avec ce produit, plante une source proche du dossier. Cela n’a pas été fait délibéréme­nt mais face à la pression d’un retour sur le terrain, de ses blessures, il est tombé dans le panneau. Il a été pris la main dans le pot de confiture.» En privé, décrit comme «combatif», Paul Pogba clame à ses proches et à ses partenaire­s de l’équipe de France son innocence, à l’image de son dernier message posté sur Instagram. « Je n'imagine pas un seul instant que Paul ait eu l'intention, la volonté de se doper, avance Didier Deschamps, qui a échangé avec le principal intéressé jeudi. Pour bien le connaître, je sais que ce n'est pas du tout dans son état d'esprit. Maintenant, il y a les faits et ce que révèlent les deux prélèvemen­ts effectués. La présence de l'hormone illicite est incontesta­ble. Le problème est là et Paul va devoir mener un nouveau combat pour se défendre, devant le Tribunal arbitral du Sport et convaincre les juges qu'il n'a pas pris sciemment des produits interdits. À l'image de la peine prononcée ce jeudi par le Tribunal antidopage italien, ce que Paul vit depuis plusieurs mois est extrêmemen­t dur et je ne peux évidemment pas rester insensible à sa peine, compte tenu de tout ce qu'il a réalisé en sélection et des relations que nous avons nouées en Équipe de France. Sa situation m'attriste et j'espère de tout coeur qu'elle pourra s'arranger. Je veux en tout cas y croire. » Depuis jeudi, la chute est brutale. La descente aux enfers, réelle. Et la question d’une fin de carrière, légitime, pour l’un des hommes clés des Bleus depuis plus de dix ans.

Blessures à répétition, tentative d’extorsion en bande organisé ... Les années galère de Paul Pogba

Si la suspension de quatre ans venait à être confirmée par le TAS, le natif de Lagnysur-Marne ne pourrait rejouer qu’à partir du 10septembr­e 2027, à plus de 34ans. Impensable d’imaginer, dans ces conditions, le revoir au plus haut niveau, lui qui ne cesse d’occuper l’infirmerie ces dernières années (10matchs disputés avec la Juventus la saison passée). Un corps fragile qui l’a empêché de s’aligner à la Coupe du monde 2022 au Qatar, en raison d’une blessure au ménisque du genou droit. «C’est fini pour le très haut niveau, plante, amer, un proche de la sélection. C’est un immense gâchis.»

Interrogé en fin d’année sur un joueur qu’il adore, incontourn­able sur et en dehors du terrain pendant ses plus belles années en bleu, Didier Deschamps, soucieux d’en dire le moins possible, soufflait seulement: «Psychologi­quement, c’est très difficile pour lui.» Difficile d’en être autrement au regard des différents coups de massue pris par Pogba ces derniers mois. Loin des pelouses, le joueur d’origine guinéenne n’est pas sorti indemne non plus de sa séquestrat­ion, en mars 2022, par des «amis et vieilles connaissan­ces» qui souhaitaie­nt lui soutirer 13millions d’euros. Une sombre et pathétique affaire de tentative d’extorsion en bande organisée, avec l’un de ses frères impliqué, qui aura aussi précipité sa chute.

«Mon psy peut être mon meilleur ami, ma femme ou mon fils. Parler, être écouté, ressortir toute cette rage et cette dépression qui me ronge, c’est obligatoir­e pour moi», soufflait-il au Figaro juste après cette sombre affaire. Quid de la suite pour le quinzième joueur le plus capé de l’histoire des Bleus? Un appel (qui n’est pas suspensif) devant le TAS avec la volonté de réduire la sanction. Comme un dernier espoir pour éviter la sortie de route définitive.