Le Figaro Magazine

Dans la tête de Brigitte Bardot

Les jurés du prix du livre de plage des Sables-d’Olonne, dont « Le Figaro Magazine » est partenaire, ont choisi pour sa 4e édition de récompense­r la romancière italienne écrivant en français, qui imagine la vie recluse de l’actrice du « Mépris ».

- SIMONETTA GREGGIO Nicolas Ungemuth

Jusqu’ici, Simonetta Greggio avait plutôt habitué ses lecteurs à des livres sur son pays natal, l’Italie. Tous sont bons, mais certains sont encore meilleurs : le diptyque Dolce Vita/Les Nouveaux Monstres, évoquant l’évolution de nd la Botte de son âge d’or aux années Berlusconi, mais aussi, plus récemment, un très beau texte personnel, Bellissima.

Elle vient de changer de cap, donc de pays. L’Italienne qui écrit en français se penche sur le cas Bardot. On ne l’y attendait pas. Elle-même non plus, d’ailleurs. « Tout cela a commencé lorsque j’ai proposé à France Culture, pour qui je réalisais des émissions, de parler de Pasolini ou de Fellini. Et on m’a gentiment conseillé de parler de Brigitte Bardot. Je n’avais aucune fascinatio­n pour elle, sa filmograph­ie est pauvre en grands films, mais j’ai accepté. Le résultat a débouché sur l’un des podcasts les plus écoutés de la station. En l’étudiant, l’icône m’a intéressée, et j’ai souhaité en faire un livre. »

UN DÉFILÉ D’AMANTS

Mes nuits sans Bardot repose sur un principe a priori suicidaire : une femme dont on ne sait pas grand-chose emménage à Saint-Tropez, non loin de La Madrague, et dépose régulièrem­ent des messages sous des cailloux devant l’entrée de la recluse la plus célèbre depuis Marlene Dietrich. Elle tient un journal. Parallèlem­ent, l’actrice mythique s’exprime, seule, et ce pari théoriquem­ent perdu d’avance fonctionne à merveille. « On m’a dit que j’étais folle de me mettre dans la tête de B.B. Je peux le comprendre. Mais j’ai rencontré tous ceux encore en vie dont elle est restée proche. J’ai longuement discuté avec Marie-Dominique Lelièvre, que je tiens pour la plus grande biographe française, et qui lui a consacré un livre formidable. J’ai enquêté, j’ai pu la faire parler sans la trahir. » Mes nuits sans Bardot est étrange – c’est ce qui en fait sa singularit­é –, mais aussi révélateur. Le défilé des amants laisse pantois : Roger Vadim, JeanLouis Trintignan­t, Sami Frey, Gilbert Bécaud, Serge Gainsbourg et le play-boy millionnai­re Gunter Sachs (liste loin d’être exhaustive). Elle n’est restée avec aucun d’entre eux. La romancière développe : « Elle a dit qu’elle n’avait jamais aimé un homme autant que Jean-Louis Trintignan­t, puis a dit la même chose pour Sami Frey, puis encore la même chose à propos d’Allain Bougrain-Dubourg. Elle devenait follement amoureuse, après quoi elle n’aimait plus ceux qu’elle avait élus, ou ne les aimait plus pour la manière dont elle pensait qu’ils l’aimaient. »

Bardot, femme libre, première féministe ? Simonetta Greggio est plus subtile : « Elle a dit “le féminisme, je m’assois dessus”. Pour autant, elle a contribué à changer l’image de la femme, en France mais aussi dans le monde entier. Pas seulement parce qu’elle était belle, mais parce qu’elle était libre. Elle ne voulait pas avoir d’enfant, ce qu’on lui a reproché, a tenté d’interrompr­e sa grossesse, ne s’est pas vraiment occupée de son fils, et a fait plusieurs tentatives de suicide dont une très grave. Le succès était lourd à porter. »

À la lecture du roman – car il s’agit bien d’un roman –, son parcours fascine autant qu’il laisse supposer une existence triste et solitaire, ne laissant quasiment aucune trace d’actrice, contrairem­ent à Sophia Loren ou Liz Taylor, avant de finir seule entourée d’animaux dans une propriété retranchée de Saint-Tropez. L’Italienne acquiesce, en émettant un bémol : « Peu de femmes ont connu une vie aussi intense en si peu de temps. En dehors de Marilyn Monroe, qui en est morte. B.B. a choisi de se retirer. Elle est toujours là. »

Mes nuits sans Bardot, Albin Michel, 310 p., 20,90 €.

 ?? ?? Le jury du prix du livre de plage autour de la lauréate Simonetta Greggio (troisième à partir de la gauche), de son président, Jean-Christophe Rufin, et du maire des Sablesd’Olonne, Yannick Moreau (deuxième à partir de la droite).
Le jury du prix du livre de plage autour de la lauréate Simonetta Greggio (troisième à partir de la gauche), de son président, Jean-Christophe Rufin, et du maire des Sablesd’Olonne, Yannick Moreau (deuxième à partir de la droite).

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