BOUGER SON CORPS POUR SOIGNER SA TÊTE
Les mêmes causes produisent les mêmes effets : si la sédentarité favorise un grand nombre de pathologies qui affectent notre corps, elle contribue aussi au développement de certaines maladies mentales. L’activité physique pourrait en être le remède.
Travail sur écran, jeux vidéo, télévision, lecture… Vous êtes assis plus de sept heures par jour ? Alors vous êtes sédentaire. Vous n’êtes pas le seul. En France, 70 % de la population passe quotidiennement plus de huit heures en position assise. On connaît les méfaits de la sédentarité. Elle génère un surpoids, avec une nouvelle répartition des graisses, concentrées sur le ventre. Ces dernières augmentent la sécrétion de molécules qui jouent un rôle négatif pour la santé, s’échappent dans la circulation sanguine, atteignent tous les organes… Y compris le cerveau. Là, elles déclenchent des réactions neurobiologiques en cascade, aboutissant à une perte d’estime de soi, des troubles de l’humeur et du sommeil, des dépressions… « La santé du corps et de l’esprit n’est pas tronçonnable. Et les études scientifiques modernes font écho aux théories des anciens comme Hippocrate, Galien ou Maïmonide qui recommandaient déjà de bouger. Montaigne, par exemple, écrivait en marchant : il affirmait que son esprit n’était pas productif quand il restait immobile », relate le Pr Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie à l’hôpital Bichat à Paris *.
UN ANTIDÉPRESSEUR NATUREL
Une revue de la littérature scientifique, réalisée en 2023 dans la revue l’Encéphale, décrit une longue liste de maladies mentales, très sensibles à l’exercice physique : troubles anxieux, dépressions, troubles bipolaires, schizophrénies, dépendances alcooliques, etc. La prescription d’une activité physique, couplée aux traitements habituels, améliore de façon significative les symptômes et la qualité de vie des patients. Depuis plusieurs années aux États-Unis, le National Institute of Health préconise un programme de sport collectif pour les patients atteints de dépressions légères à modérées, comprenant au moins trois séances de quarante-cinq minutes par semaine, sur une durée minimum de dix semaines. En France, l’Inserm préconise même un programme d’activité physique de trois mois avant toute prescription médicamenteuse dans la dépression légère à modérée, chez des personnes qui n’ont pas d’idées suicidaires. Comment agit cette formidable thérapie ? Il existe encore des zones d’ombre, mais certains mécanismes ont été mis en évidence. Bouger agirait comme un antidépresseur naturel qui aide le cerveau à fabriquer davantage d’endorphines, ces molécules du bien-être. « Elles provoquent tout simplement du plaisir. Inutile de courir le marathon : des études montrent que marcher rapidement six minutes augmente déjà de 30 % son niveau de bonne humeur ! Les endorphines procurent une sensation de satisfaction, augmentent l’estime de soi et inhibent aussi la douleur. Plus récemment, il a été montré que l’activité physique augmente le facteur de croissance neuronal : tout se passe comme si elle faisait pousser » de nouveau neurones dans le cerveau. Avec un effet bénéfique sur la cognition, l’attention, la mémoire et l’humeur », explique le Pr Lejoyeux qui a mis en place, dans son service, des ateliers d’activité physique, afin d’agir positivement sur les émotions et de limiter la prise de poids induite par certains antidépresseurs. Il n’en reste pas moins que, malgré l’avancée des connaissances scientifiques, l’activité physique reste encore trop peu prescrite par les psychiatres.
* Auteur de En bonne santé avec Montaigne, Livre de Poche, 2023, et Les Quatre Saisons de la bonne humeur, Livre de Poche, 2018.