La Tribune Dimanche (France)

Cette dette qui nous embête !

- PHILIPPE MABILLE

DRÔLE D’ANNIVERSAI­RE pour Bruno Le Maire. Le ministre de l’Économie a célébré jeudi avec son cabinet ses sept ans à Bercy, un record de continuité, en sachant que, le lendemain, Standard & Poor’s lui adresserai­t un blâme.

S&P a sanctionné les déficits excessifs, en abaissant d’un cran, de AA à AA-, la note souveraine de la France. C’est la troisième fois que notre pays est dégradé par l’agence américaine. En janvier 2012, à trois mois de la présidenti­elle, Sarkozy a été le président qui a perdu le AAA, victime de la crise financière de 2008. Bilan: +25 points de PIB de dette en cinq ans! Rebelote en novembre 2013 avec Hollande, pénalisé par la lenteur du redresseme­nt en pleine crise de la zone euro, malgré une potion amère inédite de hausses d’impôts sur les riches, mais pas seulement. Au point que son ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, dénonça sur France Inter le « rasle-bol fiscal » des Français. Bilan: + 9 points de dette de 2012 à 2017 avec le passage de la barre des 100 % du PIB.

ET DIX DE DER avec cette troisième dégradatio­n qui vient ternir le bilan économique de Macron. Bilan à date: + 11 points de PIB en sept ans, pas si mal avec une crise Covid inédite et la résurgence de l’inflation. Mais un coup dur à dix jours d’élections européenne­s mal embarquées, et un sérieux avertissem­ent à trois ans de la présidenti­elle de 2027.

POUR LES MARCHÉS, cette mauvaise note est un non-évènement. Le spread – l’écart de taux entre la France et l’Allemagne – devrait rester stable. Et pour cause: l’Allemagne n’emprunte presque plus là où la France est devenue une mine de dette. Le véritable enjeu, c’est moins la note que le risque d’instabilit­é politique en l’absence de majorité au Parlement, et celui d’un décrochage de la croissance. Mais S&P n’a pas d’inquiétude sur la capacité de la France à rembourser ses emprunts. Même notée AA-, notre dette est considérée comme un actif sans risque propre à nourrir les portefeuil­les des épargnants du monde entier.

Mais il ne faudrait pas que des hedge funds changent d’avis sur la capacité de notre pays à tenir sa trajectoir­e pour revenir vers les 3 % du PIB de déficit en 2027. Car, en 2027, nul ne sait qui sera à l’Élysée. Si c’est un parti extrémiste avec un programme dépensier, les taux pourraient se tendre et l’étau se resserrer sur les Français, dans un scénario à la grecque ou à l’italienne. L’exemple de Giorgia Meloni, qui a fait ami-ami avec les marchés dès le lendemain de son élection, prouve que le mur de l’argent existe et que la finance a encore et toujours le pouvoir de dire non ! Pour éviter le pire, l’urgence est donc bien de reprendre le contrôle de nos dépenses publiques. ■

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