Des femmes intègres
Il y a des films qu’on a envie d’aimer. Pour leur sujet, les conditions de tournage, le contexte brûlant autour d’eux qui les rend d’autant plus précieux. Les Graines du figuier sauvage, dernier long- métrage du cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, est de ceux- là. Quelques jours avant le début du Festival de Cannes en mai dernier, le réalisateur d’Un Homme intègre et Le Diable n’existe pas a été condamné à huit ans de prison suite à la publication d’une tribune contre le régime de son pays. In extremis, il s’est exilé en France et a pu recevoir le Prix spécial du jury pour ce film tourné en secret : à plusieurs reprises, l’équipe a dû se cacher pour échapper aux autorités islamiques, et fait encore aujourd’hui l’objet de pressions.
Femme, vie, liberté. À Téhéran, Iman, juge d’instruction, se voit confier de nouvelles responsabilités ainsi qu’une arme de service, alors qu’éclate dans les rues le mouvement révolutionnaire Femme, vie, liberté. Le pays s’embrase et rien n’échappe à ses deux filles sur les réseaux sociaux. Rasoulof plante le décor de la violence à l’égard des femmes à travers une séquence à la fois sublime et insoutenable, où l’épouse d’Iman retire une à une des balles de chevrotine du visage d’une amie de leur fille, réfugiée chez eux après une manifestation. S’ensuit une longue descente aux enfers pour toute la famille, déchirée autour du vol de l’arme d’Iman et alors que celui- ci s’emmure petit à petit dans la même tyrannie que ceux qui l’emploient. Difficile de sortir indemne de ce film long et éprouvant, énième récit d’une domination masculine qui ne suscite désormais plus rien d’autre que de la révolte… et une profonde fatigue.