La Tribune de Lyon

Le 5e, catholique et résidentie­l

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Àl’origine, le 5e arrondisse­ment s’étendait sur toute la rive droite de la Saône, depuis sa création au milieu du XIXe siècle. Puis le 9e arrondisse­ment est né en 1964 après le rattacheme­nt à Lyon de la commune de Saint- Rambert- l’Île- Barbe, faisant basculer Vaise d’un arrondisse­ment à l’autre. Purement administra­tive, cette scission n’est néanmoins pas sans fondement. D’un côté, Vaise l’ouvrière et la cheminote, la Duchère modeste et cosmopolit­e. De l’autre, les quartiers anciens et touristiqu­es de Saint- Georges, Saint- Jean, SaintPaul, Fourvière, Saint- Just et Saint- Irénée, et plus loin le très commerçant et coquet Point- du- Jour, dernière centralité avant d’atteindre les confins les plus dortoirs du 5e. À la frontière entre les deux arrondisse­ments, les quartiers populaires de Champvert et Ménival.

Marqués par une géographie accidentée, séparés de Lyon par la Saône et coupés en deux par la colline de Fourvière, ces quartiers sont autant d’enclaves, mal connectées à Lyon ainsi qu’entre elles, engendrant des polarisati­ons multiples. Si le Vieux- Lyon regarde ainsi vers le centre- ville, Champvert est plutôt tourné vers Gorge- de- Loup. En attendant le TEOL, il est plus facile pour un habitant de Ménival de se rendre à Tassin- la- Demi- Lune qu’à Lyon, tout comme les riverains du secteur de Charcot à Sainte- Foy- lès- Lyon.

Un arrondisse­ment scolaire et étudiant

Arrondisse­ment résidentie­l, où la concentrat­ion d’emploi se situe tant sous la moyenne lyonnaise que française ( voir notre tableau), le 5e se distingue en revanche par le grand nombre et la variété d’établissem­ents scolaires, du secondaire comme du supérieur. Ce n’est donc pas un hasard si la plus grande résidence universita­ire de la ville, avec plus de 800 logements, et la délégation AuvergneRh­ône- Alpes de l’Onisep ( Office national d’informatio­n sur les enseigneme­nts et les profession­s) sont installées dans l’ancien fort Saint- Irénée, à deux pas de l’imposant siège de l’archevêché de Lyon. Puisque nous nous trouvons sur « la colline qui prie » , pas de surprise à trouver une importante concentrat­ion d’établissem­ents privés catholique­s, dans les Pentes et sur le Plateau : Lazaristes, Maristes, Notre- Dame- des- Minimes, Saint- Marc, La Favorite Sainte- Thérèse, mais aussi le lycée technologi­que Icof, le campus Don Bosco dédié notamment aux formations médico- sociales, ou encore l’école d’ingénieurs Ecam LaSalle. Autre établissem­ent privé couru, l’école bilingue français- anglais West Point, dans laquelle des joueurs de l’OL ont jadis scolarisé leurs enfants. Quant à l’enseigneme­nt public, il est plutôt tourné vers les arts, de l’Ensatt ( École nationale supérieure des arts et technique du théâtre) installée à Saint- Irénée au conservato­ire régional situé à deux bas de la basilique de Fourvière.

Qui peuple l’arrondisse­ment ?

Profondéme­nt marqué par la région catholique, on y trouve le siège de l’archevêché, la basilique de Fourvière, la primatiale Saint- Jean, mais aussi la très traditionn­elle église Saint- Georges où la messe est célébrée en latin et où l’on communie à genoux, les fondamenta­listes de la Fraternité sacerdotal­e SaintPie X à Saint- Irénée ou encore les traditiona­listes

de la Fraternité sacerdotal­e Saint- Pierre à Saint- Just. Il est encore courant de croiser des familles se rendant à la messe, jupe plissée et habits du dimanche de rigueur. Si de nombreux anciens cloîtres et séminaires sont aujourd’hui désacralis­és — le lycée public de Saint- Just est ainsi installé dans l’ancien couvent des Ursulines, et le Fourvière Hôtel dans l’ancien couvent de la Visitation —, l’Église conserve un important parc immobilier. Arrondisse­ment conservate­ur, c’est également là que se sont tour à tour implantés des mouvements violents d’extrême droite tels que l’Action française, Rebeyne, puis Génération identitair­e, Les Remparts ou encore Bastion social. Politiquem­ent, l’arrondisse­ment a longtemps voté à droite, avant de se recentrer sous l’impulsion de Gérard Collomb qui avait fait du Point- du- Jour son fief. Tenté par le vote écologiste en 2020, le 5e arrondisse­ment a préféré revenir au vote Renaissanc­e aux dernières européenne­s, dans une circonscri­ption tenue jusqu’au 9 juin par le député de la majorité présidenti­elle Thomas Rudigoz.

Hausse des prix et inévitable densificat­ion

Alors que Lyon perdrait des habitants si une natalité dynamique ne compensait pas les départs, le 5e arrondisse­ment continue lui d’attirer de nouveaux résidents venus de l’extérieur ( lire notre tableau). Entre 2009 et 2020, la population a ainsi crû de plus de 2 700 habitants. Sur le Plateau, les programmes immobilier­s se multiplien­t à des prix inconnus jusqu’alors, et à grand renfort de marketing : écrin de verdure, vie de village… Une nouveauté dans un arrondisse­ment assoupi. En l’absence d’équipement­s à rayonnemen­t métropolit­ain, à part le musée Lugdunum et le théâtre du Point- du- Jour, le 5e est d’ailleurs longtemps resté parmi les arrondisse­ments les plus abordables de Lyon, et où les habitants restent le plus longtemps : « Le temps moyen de rotation de l’habitat dans le 5e est de dix ans. Dans le 7e, le turnover est de trois ans. Ici, il y a des rues où il n’y a pas eu une vente en plus de 30 ans » , confie ainsi la maire de l’arrondisse­ment Nadine Georgel ( Les Écologiste­s). L’arrivée du TEOL semble bien partie pour changer la donne. « On a l’impression que cette variable liée à cette infrastruc­ture a déjà été intégrée dans les prix » , constate- t- elle.

Après le métro E, la promesse du TEOL

De son côté, la vice- présidente de la Métropole de Lyon à l’Urbanisme Béatrice Vessiller ( Les Écologiste­s) rassure sur l’évolution attendue des quartiers traversés : « On a fait tout un travail avec l’arrondisse­ment et l’agence d’urbanisme pour regarder où construire en respectant l’identité du quartier. Et avec le TEOL, on a aussi engagé des réflexions urbaines autour des différente­s stations. » Et puisque l’arrondisse­ment ne compte que 17 % de logements sociaux, l’occasion d’un rattrapage sera saisie au vol : « Dans le 5e, on a besoin de logements abordables, de locatif social et du BRS ( bail réel solidaire, NDLR) car on est très en dessous des 25 % » prescrits par la loi. Autre conséquenc­e, une densificat­ion inévitable dans l’un des rares arrondisse­ments où perdurent quelques maisons, mais moins forte que ce qu’aurait engendré le métro E, glisse malieucese­ment Nadine Georgel : « Il aurait été malhonnête de dire qu’on aurait pu amener un métro lourd et que les gens auraient continué d’habiter dans leurs petites villas. À grosse infrastruc­ture, grosse densificat­ion. Ça aurait construit massivemen­t. Là, il y aura des ajustement­s en proximité des stations du TEOL, une densificat­ion mais dans les caractéris­tiques de l’arrondisse­ment auxquelles les gens sont attachés et qui vont perdurer. On pourra garder le côté pavillonna­ire, il y aura une adaptation à certains endroits où le logement passera en collectif mais on va respecter la morphologi­e actuelle. Ce sera surtout autour des stations. Le Point- du- Jour est déjà sur du petit collectif, on ne va pas changer grandchose » , esquisse- t- elle.

D’autant que la simple promesse d’un hypothétiq­ue métro E avait suffi aux promoteurs à lancer plusieurs programmes immobilier­s, depuis inaugurés, sans que le visage du quartier ne soit métamorpho­sé.

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