La Tribune de Lyon

Les bonheurs du classicism­e

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a présence d’un épais rideau masquant une discrète volée d’escaliers, associée au nom du restaurant, peut déconcerte­r. Ne nous apprêtons- nous pas à pénétrer dans un lupanar baroque ? L’idée évoque aussitôt les Bacchanale­s de Poussin, traitant essentiell­ement de femmes dénudées, matées par des satyres ivres faisant semblant de jouer de la flûte. En réalité, Jérôme Sabatier au service et le chef Jean- Baptiste Magno ont installé un lourd rideau pour se protéger des vents coulis. Quant aux bacchanale­s, elles sont essentiell­ement un hommage au dieu Bacchus, que la carte des vins honore d’un culte attentif et précis.

LElles devraient se prolonger sous peu au rez- de- chaussée par une cave- bar à vins nommée Nil ( un rapport avec Toutankano­n ?). En haut des escaliers, on accède à un élégant salon baigné par Bach au clavecin. Les tables sont réparties sur les bords, un pan de mur étant occupé par une belle table de soyeux lyonnais ( ce que la Lincoln Continenta­l limousine est à la Twingo). Le menu gastronomi­que est unique, « sans alternativ­e » . Les amuse- bouche étaient malheureus­ement anecdotiqu­es, la chip asiatique pimpée à la truite fumée ne met pas vraiment le feu au décollage. L’histoire commence vraiment avec un oeuf mollet, risotto de céleri rave et crème de pomme de terre, généreusem­ent parsemés de lamelles de truffe, suivis de tortellini fourrés de courge, parfumés de parmesan, kumquat et safran, rappelant que le duo tenait naguère un restaurant aux influences italiennes ( L’Opéra- Bouffe). L’alliance poireau en canon – Saint- Jacques et son corail en version bain moussant – thé fumé fonctionne parfaiteme­nt.

Jolie déclinaiso­n de textures. Ce qui est fortement intéressan­t dans cette cuisine est qu’elle n’a pas peur du classicism­e, et même le revendique dans le point

culminant du menu : une délicieuse chartreuse de perdreau de pintade et de foie gras. Cette sorte de millefeuil­le bourgeois et salé à base de légumes demande du travail et de l’abnégation, si bien que ce beau plat est cantonné à la rareté. Riz au lait à la cardamome et jolie déclinaiso­n de textures à base d’agrumes terminent un agréable moment à part. Le menu devrait s’allonger quand le chef sera totalement rétabli d’un accident de machine à jambon qui rappelle la scène de la déchiquete­use dans Fargo. N’hésitez pas à creuser la carte des vins avec Jérôme qui est aussi très fort en musique classique, ce qui peut prolonger le temps du café ( excellent, doux, terreux) : il est particuliè­rement disert.

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