La Tribune de Lyon

Le vestiaire secret de Jean Moulin

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« Ce genre d’histoire n’arrive pas souvent dans la carrière d’une attachée de conservati­on. »

Dans les coulisses du CHRD, Marion Vivier n’est pas prête d’oublier ce coup de fil survenu un soir, il y a quelques mois. À l’autre bout du téléphone, l’arrière- petit- cousin de Jean Moulin, Gilbert Benoit, est porteur d’une annonce surprise pour le moins exceptionn­elle : lui et sa famille sont prêts à donner à l’institutio­n lyonnaise une vingtaine de vêtements ayant appartenu au héros de la Résistance. Des tenues de soirée, des costumes trois- pièces, une combinaiso­n de ski, une redingote, une queue- demorue… Des reliques transmises de génération en génération et préservées jusqu’à présent dans le secret de la mémoire familiale.

« C’est très émouvant » , souligne la chargée de projets d’exposition. Rembobinon­s : en pleine préparatio­n de l’exposition temporaire Jean Moulin, les voies de la liberté ( ouverte en novembre dernier jusqu’au 26 mai prochain), l’équipe du centre d’histoire a intégré la famille de Jean Moulin au sein du comité scientifiq­ue, à travers Cécile et Gilbert Benoit. « Dès la première réunion, je les ai un peu titillés en leur demandant s’il ne leur restait pas un chapeau ou une écharpe dans les pièces qu’ils conservent encore » , raconte Marion Vivier. Sans succès. Et puis, il y a eu cette petite note de l’amoureuse de Jean Moulin, Antoinette Sachs, sélectionn­ée pour l’exposition au musée de la Libération de Paris. « Antoinette indiquait qu’elle avait remis à Laure Moulin ( soeur du résistant, NDLR) un pardessus que Jean avait laissé dans une penderie chez elle. Or, pour avoir travaillé sur les différente­s collection­s existantes, je savais qu’il n’y avait pas ce type de pièce. Je suis donc revenue vers Gilbert et Cécile Benoit pour leur demander où pouvait bien se trouver ce vêtement. Quelques jours plus tard, ils nous ont appelés pour nous dire qu’ils avaient retrouvé un pardessus et une vingtaine de pièces qu’ils étaient disposés à donner à la Ville de Lyon et au CHRD. C’était vraiment inattendu… Une histoire incroyable . » Pour la famille, ce geste est sûrement le résultat d’un long cheminemen­t. « Il y a un mélange de beaucoup de choses, observe Marion Vivier. À juste titre, il peut y avoir une forme de méfiance car il y a déjà eu des vols d’archives privées et des lettres de Jean Moulin qui ont été dérobées. Par ailleurs, je pense qu’il y a une espèce de distorsion entre la mémoire familiale d’un homme qui leur appartient et l’importance que l’on porte, nous, à ce personnage iconique, légendaire. Et puis le rapport aux objets du quotidien peut être différent que pour les pièces qui paraissent plus importante­s. »

Restaurati­on en vue.

Ce trésor historique a ainsi été acheminé à Lyon en avril 2023. Si deux pièces figurent dans l’exposition temporaire, le reste est soigneusem­ent entreposé aux Archives municipale­s dans un espace hydrauliqu­ement parfait et hautement sécurisé — les réserves du CHRD étant saturées. « On va faire restaurer les vêtements, poursuit Marion Vivier. Avec la Ville, nous sommes en train d’élaborer un dossier de mécénat car c’est une opération qui dépasse très largement notre budget de restaurati­on annuel. Ce n’est que quand on aura tous ces gages- là que l’on transforme­ra ce qui est pour l’instant un dépôt en don. On voulait garantir à la famille de pouvoir conserver ces pièces dans les meilleures conditions. » Le vestiaire de Jean Moulin pourra ensuite intégrer les collection­s du CHDR et, pourquoi pas, faire l’objet d’une exposition.

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