La Tribune de Lyon

Maud BIGOT « La loi immigratio­n va générer du sans- abrisme »

- PROPOS RECUEILLIS PAR IRIS BRONNER

Hébergemen­ts d’urgence saturés, enfants à la rue… En France et à Lyon, le sansabrism­e bat de tristes records. Directrice opérationn­elle de la veille sociale de l’associatio­n Alynéa et présidente de la Fédération nationale des Samu sociaux, Maud Bigot tire la sonnette d’alarme et s’inquiète, de surcroît, des futures conséquenc­es d’une loi immigratio­n contestée. Pour commencer, pouvez- vous nous dire un mot sur l’adoption récente de la loi immigratio­n qui a fait grand bruit dans le milieu social ?

Maud Bigot : « Jusqu’à mi- décembre, notre priorité était d’interpelle­r le ministre pour créer en urgence des places d’hébergemen­t supplément­aires. Là, nous sommes un peu en état de sidération. Cette loi immigratio­n, si elle est validée telle quelle par le Conseil constituti­onnel, va attaquer des valeurs inhérentes au travail social et à nos associatio­ns. J’ai l’impression que la France a perdu un bout de son âme.

Concrèteme­nt, qu’est- ce que ça pourrait changer ?

Le délai de droit à la CAF ( caisses des allocation­s familiales) passerait, pour les étrangers, à 5 ans, ou 30 mois s’ils travaillen­t : ça va massifier le sans- abrisme, car des milliers de personnes vont perdre des ressources. Une autre mesure qui met le feu aux poudres, c’est la fin du principe d’inconditio­nnalité de l’accueil. Une personne soumise à une OQTF ( Obligation de quitter le territoire français) n’aura plus accès à l’hébergemen­t d’urgence. Pour les équipes, ça signifie trier, demander aux gens lors des maraudes s’ils ont une OQTF ou non. Il faudra que l’on sorte les personnes des centres. C’est inenvisage­able. Ça va faire exploser les services. Nous allons nous réunir avec d’autres associatio­ns dès la mi- janvier pour voir de quelle manière nous pouvons nous mobiliser.

L’état du sans- abrisme est d’ores et déjà très critique à Lyon, n’est- ce pas ?

En effet, on a atteint un niveau de saturation inédit de l’hébergemen­t d’urgence. 14 000 personnes sont en attente d’une place d’hébergemen­t ou d’un logement dans la Métropole. Ce chiffre a été multiplié par deux depuis 2019. Nous sommes vraiment sur une croissance extrême du nombre de personnes dans la rue à Lyon, et plus globalemen­t à l’échelle nationale. On constate aussi des situations et des profils que l’on n’avait pas avant.

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