Pour les réfugiés en Allemagne, les difficultés augmentent chaque jour
tFace à la hausse des arrivées de migrants, à la montée de l’extrême droite, au manque de logements et de fonctionnaires pour traiter les dossiers, la situation des réfugiés tend à se dégrader outre-Rhin.
En 2015, MouhamedAdam Alazawe quittait la Syrie et arrivait seul en Allemagne en tant que réfugié. En septembre de la même année, la chancelière Angela Merkel laissait entrer des milliers de migrants bloqués en gare de Budapest en Hongrie et ouvrait la voie à une grande vague de solidarité dont Mouhamed Adam Alazawe se souvient avec émotion. «Pour moi, l’Allemagne était le pays qui après la guerre avait dit “plus jamais ça”, un pays où les droits de l’homme sont respectés», se rappelle ce trentenaire.
Neuf ans plus tard, cet informaticien de formation s’est construit une nouvelle vie à Erfurt, dans la région de Thuringe. Il maîtrise l’allemand sur le bout des doigts et travaille dans une organisation d’aide aux réfugiés. Cependant, il reconnaît être « déçu » par les récents développements du pays.
«Les difficultés augmentent au quotidien pour les personnes réfugiées. Depuis quelque temps, les fonctionnaires dédiés à l’immigration sont injoignables et trop peu nombreux. Les problèmes structurels au sein de l’administration limitent l’accès aux prestations de base, comme le renouvellement des permis de séjour. Cette situation est politiquement voulue », estime-t-il. Depuis que le parti d’extrême droite AfD s’est installé dans les parlements, fédéraux et régionaux, le climat politique sur la question migratoire s’est tendu, et c’est notamment perceptible en Thuringe, la région où vit Mouhamed Adam Alazawe. L’AfD pourrait y arriver en tête des élections régionales du 1er septembre prochain. « Les autres partis de droite en Thuringe ont repris les idées de l’AfD, ce qui influe à tous les niveaux de décisions politiques », regrette ce militant. Franck Düvell, spécialiste de l’université d’Osnabrück, confirme ce changement de climat politique, médiatique et sociétal. « Depuis un an environ, on entend dire que l’Allemagne n’est pas un pays si facile pour les réfugiés, même si elle
reste leur première destination en Europe. Les structures d’accueil dans les communes et les administrations sont débordées par le nombre d’arrivants », explique cet expert. L’an dernier, l’Allemagne a enregistré 334 000 demandes d’asile contre 145 000 pour la France, sans compter le 1,1 million d’Ukrainiens qui s’y sont installés depuis 2022.
Par manque de logements, les demandeurs d’asile séjournent de plus en plus longtemps dans des centres d’accueil précaires et peu adaptés. Certains Länder, comme la Bavière, ont aussi durci les conditions d’accueil en imposant aux nouveaux arrivants de séjourner dans des «centres fermés». « Tout
n’est toutefois pas si noir, rappelle
Franck Düvell. La loi ne s’est pas durcie. Au contraire, des efforts ont été faits pour accélérer les procédures des demandes d’asile et pour faciliter l’accès au marché du travail, mais la hausse des arrivées joue un rôle négatif sur la qualité de vie. » Preuve du changement de climat, le gouvernement du chancelier Olaf Scholz a pris une série de mesures anti-immigration l’an dernier : contrôles à ses frontières avec la Pologne, la République tchèque et la Suisse; accord avec l’Irak pour faciliter les expulsions, classement de la Géorgie et de la Moldavie comme pays sûrs.
Il a aussi fait voter une loi permettant aux communes de ne plus verser le pécule mensuel accordé aux réfugiés en liquide, mais sur des cartes de paiement utilisables dans certains magasins. « Ces cartes ont des problèmes techniques, elles ne peuvent pas être utilisées sur les marchés et les gens se sentent discriminés lorsqu’ils s’en servent », reproche Ute Lux, qui participe à une campagne d’action à Hambourg. À Erfurt aussi, cette mesure est critiquée. « Cette solution populiste sert à satisfaire la population mais risque de pousser certaines personnes vers la criminalité», craint
Mouhamed Adam Alazawe.
Depuis que l’AfD s’est installé dans les parlements, le climat politique sur la question migratoire s’est tendu.