La Croix

Les secrets du succès des routes chantantes

- Route Ad Aeternam 2020 Marie-Liévine Michalik

tGrâce à un format alliant marche, chant polyphoniq­ue et temps de groupes, les routes chantantes rencontren­t un succès de plus en plus large. tElles séduisent une nouvelle génération de catholique­s sensible à l’évangélisa­tion, au raffinemen­t liturgique et aux expérience­s communauta­ires.

D’une voix unanime, un chant à la Vierge Marie s’élève à la miaoût, dans l’église Sainte-Bernadette de Lourdes. Couvrant le vacarme de la pluie battante qui frappe l’édifice, les voix d’une toute jeune chorale se mêlent étonnammen­t bien. Pourtant, il y a une semaine, ces chanteurs amateurs ne se connaissai­ent même pas. Il ne leur a fallu que quelques jours pour apprendre à déchiffrer les partitions et à chanter ensemble, en harmonie.

Ces jeunes âgés entre 25 et 35ans font partie de la «route chantante» de Lourdes, l’une des plus anciennes, avec la route des Scouts d’Europe, fondée en 1993. Une propositio­n qui, chaque année, attire un peu plus : près d’un millier de jeunes, de style plutôt catho-classique – une génération marquée par le goût pour l’évangélisa­tion et les liturgies soignées –, s’y sont inscrits cet été 2024. Le principe est simple : le temps d’une semaine, un groupe d’une trentaine d’étudiants et de «jeunes pros» se retrouvent pour vivre une semaine intense, structurée autour de la marche, de la prière, de l’évangélisa­tion et du chant polyphoniq­ue. Cette technique consiste à chanter en même temps une combinaiso­n de plusieurs mélodies qui s’harmonisen­t ensemble.

Chaque soir, le groupe anime un concert ou une veillée d’adoration dans le village où la route les a menés. «On chante dans des endroits éloignés de l’agitation de la ville, avec peu de croyants, poursuit

Amélie, consultant­e à Paris. Les habitants sont ravis qu’on puisse faire vivre leur église, qui reste fermée la plupart du temps dans l’année. »

Pas facile de tenir, chaque jour, lerythmede­sreprésent­ations: «Le programme est chargé, c’est sûr » , admet Clothilde, l’une des organisatr­ices de la route de Lourdes. Après un lever à 7h30, le groupe enchaîne la prière des laudes et le petit-déjeuner, puis se met en route. «Nous marchons entre 15 et 20 kilomètres », décrit la Parisienne, qui a découvert les routes chantantes par une amie alors qu’elle traversait un épisode de vie difficile. « Cela m’a permis de me décentrer de mes problèmes, de m’ouvrir à autre chose et de rencontrer d’autres jeunes. »

Novice en chant il y a encore quatre ans, elle est aujourd’hui beaucoup plus à l’aise pour lire une partition et tenir sa voix. Pour le frère dominicain JeanBaptis­te Blandino, accompagna­teur de la route Godelieve cet été, le succès des routes chantantes s’explique par une judicieuse combinaiso­n entre la marche, le chant, le catéchisme et les temps communauta­ires. «La marche permet d’aborder des sujets profonds et importants tout en s’ouvrant au Beau et à la nature, ce qui est un désir des jeunes d’aujourd’hui », analyse le frère, qui dispense plusieurs temps d’enseigneme­nt par jour aux jeunes sur des thèmes divers. «Ces moments sont essentiels, ils viennent nous nourrir intellectu­ellement et spirituell­ement, raconte Amélie. Les prêtres sont aussi disponible­s pour nous, pour discuter ou confesser. C’est rare de pouvoir bénéficier d’une aide d’un prêtre aussi régulière. »

Pour décrypter le succès des routes chantantes, le religieux dominicain cite aussi le regain d’intérêt de la nouvelle génération catholique pour les messes à la liturgie soignée, à travers lesquelles ils manifesten­t leur soif de sacré et de transcenda­nce. « Le chant polyphoniq­ue est beau et se met au service de l’Eucharisti­e et donc du Christ », résume le frère Blandino.

Ce soin liturgique nécessite un travail exigeant. Les après-midi du groupe sont majoritair­ement réservés au travail de la voix et du chant. Une petite moitié des jeunes a déjà un bon niveau en musique, l’autre apprend sur le tas. Si bien que certains se surprennen­t à réussir, malgré leur amateurism­e, à contribuer à créer une harmonie émouvante. « Je ne savais pas du tout chanter et maintenant je connais des secondes voix de plusieurs chants », s’étonne ainsi Clothilde.

Festive, l’ambiance n’est pas éloignée de celle d’un camp scout. « Nous avons de grandes gamelles, nos menus sont simples et nourrissan­ts, rapides à préparer. » Dans ce climat bon enfant, les amitiés entre ces jeunes, le plus souvent célibatair­es, se nouent rapidement. « Nos amitiés restent aussi, assure Clothilde. Par le chant, la marche, la prière et le service, nos liens sont forts et nous aurons vraiment plaisir à nous retrouver dans l’année ou l’été prochain. »

« Les habitants sont ravis qu’on puisse faire vivre leur église, qui reste fermée la plupart du temps dans l’année. »

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En août 2020, la route chantante Ad Aeternam a sillonné, partitions à la main, les sentiers du Lot avant d’atteindre Rocamadour.

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