En Nouvelle-Calédonie, « les gens sont épuisés » alors que les violences continuent
tLes violences liées à la réforme du corps électoral qui ont débuté le 13 mai dernier continuent sur le territoire ultramarin du Pacifique sud. tUn homme de 43 ans a été tué jeudi 15 août par un tir de gendarme et le couvre-feu est toujours en vigueur. Les habitants sont las d’attendre un retour à la normale.
Trois mois après le début des violences liées à la réforme du corps électoral le 13mai dernier, les tensions restent vives en Nouvelle-Calédonie. Un homme de 43 ans a été tué jeudi 15 août par un tir de gendarme lors d’un affrontement entre émeutiers et forces de l’ordre à Thio, dans l’est du territoire, portant à onze le nombre de morts depuis le début de la crise. Face à la persistance des tensions, le Haut-Commissariat a décidé le maintien d’un couvre-feu de 22 heures à 5 heures, de même que l’interdiction du port et du transport d’armes, ainsi que la vente d’alcool jusqu’au 26 août.
Si la tension est retombée depuis la flambée de violence du mois de mai, l’ambiance reste électrique sur l’île. « L’accalmie est relative. Les heurts sont toujours courants et, surtout, d’une extrême violence », soupire Valérie (1), habitante de Païta, une commune à 30 minutes de voiture de Nouméa.
La circulation reste très compliquée dans une partie duCaillou. Au Mont-Dore, à l’extrême sud de l’île, les habitants n’ont d’autre choix que de prendre le bateau pour aller travailler ou être ravitaillés. La seule route menant à Nouméa est bloquée par des manifestants indépendantistes à hauteur de Saint-Louis, à une dizaine de kilomètres de là. « Nous sommes coupés du reste de l’île, peste Florent Perrin, président de l’Association citoyen mondorien.
Les gens sont épuisés de devoir se lever aux aurores pour prendre les barges et mettre des heures pour aller au travail. »
Depuis le début des émeutes, les habitants de Nouvelle-Calédonie ont acquis de nouveau réflexe. « Maintenant, avant de partir au travail, on vérifie sur les groupes Facebook d’informations routières qu’aucun barrage n’entrave notre trajet», pointe Valérie, qui travaille dans un commerce de Nouméa. Malgré les difficultés de transports, elle s’estime heureuse. « J’ai de la chance d’avoir encore un emploi, murmure-t-elle. Beaucoup de personnes ont perdu le leur après que leur local a été détruit », pointe-t-elle. Selon les estimations de la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie, plus de 800 entreprises ont été détruites, générant 20000 chômeurs directs ou indirects. Encore ce matin, Valérie a appris la fermeture d’un commerce du centre-ville de Nouméa. «Le gérant en a marre de ce climat anxiogène. Il préfère mettre la clé sous la porte pour partird’ici». Les départs s’enchaînent depuis la mimai. Définitifs ou temporaires, ils expriment le même désir de prendre du recul sur la situation. Voire de s’en couper totalement.
Habitante de Nouméa, Anne s’est réfugiée dans la maison familiale bretonne depuis bientôt deux mois, et ne suit que très peu les informations en provenance de Nouvelle-Calédonie. «J’avais besoin de ne plus avoir la boule au ventre, explique la retraitée, qui vit sur l’île depuis presque quarante ans. Ça a bien fonctionné. Je prévois de revenir bientôt, mais j’avais besoin de ce temps pour m’aérer l’esprit.» Valérie aussi songe à d’autres contrées. «J’adore mon île. La quitter serait un crève-coeur, mais ce n’est pas une vie que de rester ici. J’ai perdu cette légèreté qui me faisait tant aimer cette terre, murmure-t-elle, les yeux embués de larmes derrière les verres de ses lunettes. À Païta, tout est détruit. »
Les départs s’enchaînent depuis la mi-mai. Définitifs ou temporaires, ils expriment le même désir de prendre du recul sur la situation.
(1) Certains prénoms ont été changés.