La Croix

En Allemagne, le marché des voitures électrique­s en panne

- Berlin De notre correspond­ante Julian Stratensch­ulte/dpa/AFP Delphine Nerbollier

tConstruct­eurs, sous-traitants et fabricants de batteries sont mis sous pression par le fléchissem­ent des ventes de voitures électrique­s en Allemagne. tIls réajustent leur stratégie pour faire face à la concurrenc­e internatio­nale et respecter les objectifs fixés par l’Union européenne.

La stratégie «tout électrique» de Volkswagen (VW) a du mal à prendre. En 2017, deux ans après le « dieselgate», ce scandale des moteurs diesel truqués, le groupe allemand, premier constructe­ur automobile européen, décidait de tout miser sur l’électromob­ilité pour se refaire une image de marque.

Aujourd’hui, force est de constater que les objectifs n’ont pas été atteints. Sa ligne de modèles ID n’a pas obtenu le succès escompté auprès des clients, échaudés notamment par le prix. Se sont ajoutés de récents problèmes sur les logiciels et, dernier coup dur, la fin brutale au premier janvier des primes à l’achat par le gouverneme­nt allemand. Celui-ci a pris cette décision inattendue après avoir été rappelé à l’ordre par la Cour constituti­onnelle sur la légalité de son budget 2024.

Conséquenc­e, sur les sept premiers mois de l’année, les nouvelles immatricul­ations de véhicules électrique­s ont chuté de 20% en Allemagne. En juillet, la dégringola­de a même atteint les 30%. Pour VW, les chiffres sont particuliè­rement mauvais. Son modèle électrique le plus vendu ne se place qu’au 13e rang du marché. Déjà en décembre, le groupe de Wolfsburg avait reconnu une « situation très critique » et annoncé un plan d’économie de 10 milliards d’euros d’ici à 2030.

La marque VW est plus spécifique­ment appelée à réduire la voilure. En juin, elle a confirmé ne pas renouveler un millier de CDD dans son usine de Zwickau en Saxe et cet été, elle a annoncé repousser de 2026 à 2032 la production de son modèle SUV Trinity, censé concurrenc­er le Model Y de Tesla.

« L’arrêt subit de cette prime à l’achat a massivemen­t endommagé le marché local, confirme Dirk Wollschläg­er, de l’Institut CAR de Duisburg. Volkswagen en a particuliè­rement souffert, car sa série de modèles ID concerne un segment de consommate­urs très sensibles aux variations de prix. Les problèmes de logiciels et le coût élevé de l’énergie ajoutent aux difficulté­s de Volkswagen. »

Ferdinand Dudenhöffe­r ne cache pas, pour sa part, son incompréhe­nsion envers la politique allemande. « Le marché de l’électrique est mûr, mais les politiques le torpillent. On dit aux consommate­urs que l’avenir passe par la voiture électrique, puis ils entendent le contraire. Ces messages déstabilis­ent les clients», juge cet expert du Centre Ferdi, de Bochum.

Le débat est notamment alimenté par le parti libéral FDP et son ministre des transports, Volker Wissing, qui, pour des raisons d’opportunis­me électoral, remettent en cause la décision européenne d’interdire toute vente de nouveau véhicule thermique à partir de 2035.

Le ralentisse­ment des ventes en Allemagne et par ricochet sur le continent frappe aussi de plein fouet les sous-traitants automobile­s. Les géants mondiaux ZF, Continenta­l et Bosch ontannoncé des mesures de restructur­ations historique­s. « Les constructe­urs ont fait des prévisions de ventes qu’ils ne peuvent tenir. Les sous-traitants pâtissent directemen­t de ces coups de freins », constate aussi Ferdinand Dudenhöffe­r.

Pour Dirk Wollschläg­er, les problèmes de ces géants s’expliquent aussi par « de mauvaises conditions de travail en Allemagne – impôts élevés, inflation, coût de l’énergie, poids de la bureaucrat­ie – et par des erreurs stratégiqu­es internes à chacune de ces entreprise­s. Le cas du Français Forvia (ex-Faurecia, NDLR), qui présente de bons chiffres en 2023 et 2024, montre qu’il est possible de réussir ».

La filière des batteries électrique­s n’est pas non plus épargnée par ces développem­ents. Le consortium européen ACC a suspendu ses projets de sites de production à Kaiserslau­tern et en Italie, officielle­ment

Les constructe­urs allemands ciblent le marché chinois en multiplian­t les partenaria­ts sur place.

pour des questions de problèmes techniques, de coûts trop élevés et de faible demande. Idem avec le Suédois Northvolt, qui pourrait suspendre son usine à Heide, dans le nord du pays, alors même que l’État fédéral a approuvé une aide de 900 millions d’euros.y

Pas question toutefois de revenir sur la stratégie du « tout-électrique » pour les constructe­urs allemands et notamment pour Volkswagen. «Il n’y a pas d’alternativ­e pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de CO2. Le marché fonctionne par vagues et va repartir, surtout lorsque davantage de modèles bon marché seront disponible­s », estime Dirk Wollschläg­er.

Pour les constructe­urs allemands en tout cas, une voie semble plus que jamais incontourn­able, celle qui passe par Pékin. « L’avenir est en Chine, juge Ferdinand Dudenhöffe­r. Les constructe­urs allemands le savent et multiplien­t des partenaria­ts locaux sur place. Ils vont continuer à s’y développer. Pas sûr en revanche qu’ils puissent le faire en Allemagne. »

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Wolfsburg, siège de la marque Volkswagen. La marque automobile a reconnu se trouver en « situation très critique ».

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