La Croix

L’associatio­n Ultime liberté dans le viseur de la justice

- Pierre Bienvault

tLa justice soupçonne deux membres de cette associatio­n d’avoir fourni des produits interdits à une nonagénair­e qui, mercredi 14 août, a tenté de se suicider à Grenoble.

Dans quelles conditions une dame de 91 ans, habitant à Grenoble, a-t-elle tenté de se suicider mercredi 14 août ? At-elle reçu un produit létal de la part de deux membres d’une associatio­n, Ultime liberté, qui milite de manière active pour le recours au suicide assisté? La justice va devoir éclaircir les contours d’une affaire dans laquelle subsiste un certain flou. Pour l’instant, deux membres de l’antenne iséroise d’Ultime libertéont été mis en examen notamment pour «exercice illégal de la profession de pharmacien », vendredi 16 août.

Les deux militants grenoblois sont soupçonnés d’avoir incité la nonagénair­e à passer à l’acte et de lui avoir fourni des produits pour le faire. Ils ont été mis en examen «pour avoir provoqué la victime au suicide en lui fournissan­t différents produits ainsi que pour avoir fait de la propagande et de la publicité en faveur de produits, objets ou méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort ». « Ces deux personnes n’ont procuré aucun produit à cette dame. Elles étaient juste là pour l’accompagne­r dans ses derniers instants », indique leur avocat Me Arnaud Levy-Soussan.

« À ce stade, l’associatio­n Ultime liberté n’est pas mise en examen », précise Éric Vaillant. Dans son communiqué, le parquet indique tout de même qu’elle pratique « un militantis­me offensif promouvant les moyens de se donner la mort, fournissan­t, diffusant et utilisant des protocoles d’absorption de médicament­s et de produits toxiques, ainsi qu’une charte de l’accompagne­ment sur les moyens de se donner la mort, et organisant également des formations à l’accompagne­ment sur les moyens de se donner la mort ». Ces infraction­s sont passibles de deux à troisans d’emprisonne­ment et de 30 000 à 40 000 euros d’amende.

«Notre associatio­n ne fournit aucun produit. Elle délivre juste de l’informatio­n à ses adhérents qui, en conscience, veulent finir leur vie au moment où ils l’ont décidé », se défend Claude Hury, ancienne enseignant­e, qui a fondé l’associatio­n avec Jean Guilhot, psychiatre, en 2009. Une position partagée par Jeanne-Marie Noël, membre ancienne de l’associatio­n. «Nous ne sommes pas une pharmacie. Quand des gens nous contactent, nous les rencontron­s, nous les écoutons et cherchons avec eux une solution. Mais ce sont eux qui se procurent des produits s’ils le souhaitent », assure-t-elle.

Ultime liberté juge ainsi trop timoré le projet de loi sur « l’aide à mourir », dont l’examen à l’Assemblée nationale a été stoppé net en juin par la dissolutio­n décidée par Emmanuel Macron. Ce texte prévoyait une possibilit­é d’un suicide assisté pour des malades atteints «d’une affection grave et incurable, qui engage son pronostic vital, en phase avancée ou terminale». Pour Ultime liberté, cette possibilit­é doit être ouverte y compris pour des personnes non malades. « Ce ne sont pas aux médecins de décider qui doit bénéficier du suicide assisté mais aux personnes concernées », indique Claude Hury.

Ultime liberté a été sous le feu des projecteur­s en décembre 2019 quand de très nombreuses perquisiti­ons, menées dans toute la France, avaient permis de retrouver chez des particulie­rs plus de 130 flacons de pentobarbi­tal, un produit vétérinair­e dont la prise peut provoquer la mort. La justice soupçonnai­t alors l’associatio­n de s’être livrée à un trafic de ce produit, depuis les États-Unis, pour approvisio­nner ses adhérents. « Mais cette charge a été abandonnée », assure Me Levy-Soussan. Treize membres d’Ultime liberté, parmi lesquels Claude Hury et un militant qui vient d’être mis en examen à Grenoble, doivent être jugés en correction­nelle à Paris à une date non encore fixée.

Ultime liberté a été sous le feu des projecteur­s en décembre 2019, quand des perquisiti­ons avaient permis de retrouver plus de 130 flacons de pentobarbi­tal, un produit vétérinair­e dont la prise peut provoquer la mort.

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