La plus jeune première ministre d’Asie prend les rênes du pouvoir en Thaïlande
Paetongtarn Shinawatra, fille du milliardaire et ex-premier ministre controversé Thaksin, a été investie dimanche 18 août par le roi. tElle devient à 37 ans la plus jeune cheffe de gouvernement en Asie.
Pourra-t-elle briser la malédiction qui pèse sur son nom de famille à la tête de l’État ? Désignée par son parti, le Pheu Thai (PT), et ses alliés, et nommée officiellement dimanche 18 août par le roi, Paetongtarn Shinawatra est devenue la 31e première ministre de la Thaïlande. Elle succède à Srettha Thavisin, destitué le 14 août par la Cour constitutionnelle. À 37ans, c’est la plus jeune dirigeante d’un pays asiatique, et la troisième membre de la famille Shinawatra aux manettes du pays.
N’ayant jamais été élue ou exercé de fonction ministérielle, Paetongtarn Shinawatra est surtout connue pour être la fille du milliardaire Thaksin Shinawatra, figure aussi populaire que controversée en Thaïlande. Fondateur du PT et élu premier ministre en 2001, cet ex-policier réincarné en magnat des télécoms a été renversé par un coup d’État cinqans plus tard. Contraint de s’exiler, il a néanmoins continué de jouer un rôle central dans la vie politique du royaume, devenant la bête noire de l’élite militaro-conservateur. Sa soeur Yingluck Shinawatra a, elle aussi, été chassée du pouvoir par l’armée en 2014.
«Nous devons essayer de rendre le pays plus démocratique», expliquait Paetongtarn (on désigne les figures publiques par leur prénom) au Time en avril2023, un mois avant les législatives, précisant à l’époque qu’elle était « prête » à « se battre » dans la turbulente arène politique et à «faire de ce pays un meilleur endroit pour ses enfants ». Le visage souriant de cette mère de famille aux cheveux longs n’est pas inconnu du public. Suivie par 676 000 fans sur Instagram, où elle poste souvent des photos d’elle flanquée de ses proches, cette femme politique de l’ère des réseaux sociaux était la principale candidate du Pheu Thai au poste de premier ministre lors des élections de mai 2023, à l’issue desquelles son parti est arrivé en deuxième position.
« Quand elle est entrée en politique, Paetongtarn a réussi à dépasser les attentes, elle s’est révélée très douée pour faire campagne et créer du lien avec son électorat», note Petra Alderman, chercheuse à l’université de Birmingham et autrice d’un ouvrage sur la politique thaïlandaise.
« Capable de s’adapter aux situations, elle apprend vite », confie un ex-collaborateur qui l’a suivie tout au long de sa campagne. « Ce qui m’inquiète, ajoute cette source, c’est la pression politique à laquelle elle va devoir faire face : le rôle politique de Thaksin lui rendra la tâche encore plus difficile. » L’experte Petra Alderman confirme: « Finalement, comme tout premier ministre lié au Pheu Thai, elle travaillera dans l’ombre de son père, qui est une force politique avec laquelle il faut compter. Mais qui, aussi, peut être un handicap. Porter le nom Shinawatra est une arme à double tranchant. » Lors d’une conférence de presse, la nouvelle première ministre a expliqué qu’elle demanderait l’avis de Thaksin en cas de besoin, tout en soulignant qu’elle était indépendante, dotée de ses propres idées et de ses propres objectifs.
Paetongtarn Shinawatra hérite d’un pays qui, en proie à une instabilité politique chronique, est frappé par la stagnation économique. En définitive, la question n’est pas tant de savoir si elle est capable de gouverner mais plutôt jusqu’à quand.