La Croix

Le sport amateur a-t-il besoin des droits TV de la Ligue 1 ?

Le sport amateur dépend surtout de décisions politiques

- Pierre Rondeau Économiste du sport, codirecteu­r de l’Observatoi­re sport et société à la Fondation Jean-Jaurès (Source photo : Pierre Rondeau) Recueilli par Gauthier Vaillant

Il est évident que les seules licences et adhésions ne permettent pas de garantir un équilibre budgétaire aux clubs amateurs, qui ne sont pas autonomes financière­ment et sont donc dépendants des subvention­s publiques (1). Pour ce qui est des droits TV, il y a deux taxes affectées sur les droits de diffusion du football français. D’une part, la taxe Buffet, instaurée par Marie-George Buffet (ministre des sports de 1997 à 2002, NDLR), une taxe de 5 % sur les droits TV des événements sportifs profession­nels qui se déroulent en France (la Ligue 1 et la Ligue 2, mais aussi RolandGarr­os, le Tour de France, le Top 14 en rugby, etc.). Le produit de cette taxe vient abonder l’Agence nationale du sport (ANS), qui finance à la fois la pratique sportive amateur et le sport de haut niveau. D’autre part, le Fonds d’aide au football amateur, ou « Fafa », une taxe de 2,5 % sur les droits du seul football français, a été instauré en 2010 par la Fédération française de football (FFF) et est fléché en direction du seul foot amateur.

Une dévalorisa­tion des droits TV entraîne donc effectivem­ent une baisse des gains liés à ces deux taxes. Mais les clubs amateurs ne vont pas nécessaire­ment en pâtir, car l’État peut toujours compenser ces pertes. Il faut savoir que les trois taxes qui financent l’ANS (la taxe

Buffet, la taxe sur les paris sportifs et la taxe sur les jeux de hasard) sont toutes plafonnées. Pour la taxe Buffet, c’est 59 millions ; au-delà, le différenti­el va directemen­t dans le budget de l’État. Pour 2024, période olympique, le prodnuitdd­es taxes était de 480 millions d’euros, et le budget de l’ANS de 500 millions. Il y a donc eu une volonté d’abonder le budget au-delà de ce qu’ont rapporté les taxes. Autre exemple, le budget de l’ANS est resté le même après le fiasco de Mediapro (2), qui a fait chuter le montant des droits TV. Il y a donc toujours une décision politique. On peut en dire autant pour le Fonds d’aide au football amateur : la FFF, c’est tout de même un budget de 250 millions d’euros.

Elle peut donc très bien choisir de compenser une baisse de la taxe Fafa.

En réalité, il n’y a pas vraiment de dépendance à ces taxes. Les clubs amateurs sont surtout dépendants des décisions et des aléas de la politique. Ce qui pourrait poser d’autres questions à l’avenir, dans le scénario, par exemple, où un nouveau gouverneme­nt se désintéres­serait du sport. (1) Les chiffres varient selon les études, mais la part des subvention­s publiques dans le budget des clubs amateurs se situe autour de 20 %. La majorité de ces aides provient des communes. (2) Lors de la saison 2020-2021, ce groupe sino-espagnol avait acquis les droits de diffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2 pour plus de 800 millions d’euros, mais s’était retrouvé en défaut de paiement et avait renoncé à ses droits dès le mois de décembre. L’affaire a fortement et durablemen­t affecté l’économie du football français.

L’élite du foot français retrouve le championna­t vendredi 16 août. Cette saison, huit matchs sur neuf seront diffusés par la plateforme de streaming DAZN, qui déboursera pour cela 400 millions d’euros annuels, quand le dernier sera diffusé sur BeIN Sports, pour 100 millions d’euros. Avec un total de 500 millions, les droits TV de la Ligue 1, qui génèrent des retombées pour l’ensemble du sport français, sont au plus bas depuis vingt ans.

L’État peut compenser les pertes liées à une dévalorisa­tion des droits TV.

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