LA CAUSE DES FEMMES
UNE FRANÇAISE À KABOUL, L’AVENTURE D’UNE VIE
Que penserait Elisabeth Naim Ziai, décédée en 1994, de la condition actuelle des femmes afghanes alors que le chef des talibans vient de promulguer une nouvelle loi sur les moeurs réduisant toujours plus leurs libertés ? « J’espère vraiment que le droit à l’éducation des filles est acquis et qu’il n’y aura pas de retour en arrière », écrivait-elle à la fin des années 1950 dans son journal intime, trame du passionnant récit de Charlotte Erlih. En 1928, lorsque la jeune Bretonne, qui vient d’épouser le cousin du roi progressiste d’Afghanistan Amanullah Khan, s’apprête à rejoindre Kaboul avec son mari, elle pense découvrir une société en voie de modernisation. Et ce, grâce aux réformes initiées dès 1919 par le roi et l’engagement féministe de son épouse Soraya : ouverture d’une première école pour les filles, autorisation de travailler, interdiction du mariage sans consentement et encouragement à se dévoiler. Une révolution dans un pays qui, selon le monarque, « traite les femmes comme des esclaves ». Mais pour le jeune couple franco-afghan, rien ne va se passer comme prévu. L’Afghanistan vient d’entrer dans une guerre civile entre modernisateurs et traditionalistes. Kaboul est tombée aux mains de Batcha Sakao, un « brigand illettré » qui mène la rébellion. « Tout s’effondre, note Elisabeth, le rêve que nous devions rejoindre n’existe plus. » Avec son mari, ils resteront coincés à Bombay pendant un an avant de s’installer à Kaboul, où la dictature sanguinaire et rétrograde du chef rebelle sonne comme un terrible retour en arrière pour les Afghanes. Son successeur, Nadir Shah, ne fera pas plus de l’émancipation des femmes une priorité. Après avoir partagé et documenté la vie recluse de ses concitoyennes dans son cahier à spirales et commencé à oeuvrer pour leur émancipation, Elisabeth sera la première Afghane à oser se dévoiler, en 1936. Jusque dans les années 1960, elle luttera pour leurs droits. Sa vie et son engagement exceptionnels racontent en creux l’histoire de l’Afghanistan, pays toujours soumis à ce qui semble un immuable mouvement de balancier entre ouverture et obscurantisme.